La Corée du Sud est indéniablement un modèle de réussite dans la gestion de l’épidémie de Covid-19. Elle est à ce jour la seule démocratie à avoir connu une flambée importante puis à avoir aplati la courbe des nouvelles infections. Alors qu’au pic de l’épidémie, le 29 février, 909 nouveaux cas avaient été identifiés en vingt-quatre heures, on ne compte plus que quelques contaminations par jour, quasi exclusivement des cas importés.

La stratégie coréenne des 3 T – tester, tracer et traiter – repose sur la préparation, la réactivité et la mobilisation totale des autorités et de la population, ainsi que sur le recours aux nouvelles technologies afin de lutter contre l’épidémie dans un premier temps, puis de prévenir une nouvelle flambée. Si cette stratégie n’est pas parfaitement transposable en Europe, la Corée du Sud est pour bien des pays une source d’inspiration, notamment car elle a évité un confinement généralisé – contrairement à la France –, tout en préservant les libertés individuelles – contrairement à la Chine.

Les autorités sanitaires coréennes ont été profondément marquées par l’épidémie de MERS, un syndrome respiratoire également dû à un coronavirus, qui avait frappé le pays en 2015 et causé la mort de 38 personnes. Elles en avaient conclu à la nécessité d’identifier au plus vite les malades et de les isoler. Deux réformes avaient été adoptées pour permettre la divulgation d’informations liées au parcours de certains malades, tout en conservant leur anonymat ; et pour accélérer la mise sur le marché de kits de dépistage en cas d’urgence de santé publique.

Dès l’épidémie de Covid-19 rendue publique en Chine au début du mois de janvier, les autorités sanitaires et politiques ont réagi en surveillant les arrivées en provenance de la ville de Wuhan, permettant d’identifier un premier cas le 20 janvier. Des mesures de distanciation sociale ont été adoptées et perdurent depuis, y compris la fermeture des écoles dont la réouverture est prévue le 13 mai. Surtout, une coordination étroite avec le monde académique et le secteur privé a permis à la société coréenne KogeneBiotech de mettre au point un premier kit de dépistage dès le 4 février, bien avant le déclenchement du plus haut niveau de l’alerte sanitaire, et la prise de mesures d’exception pour les zones les plus affectées le 23 février.

Dès lors, la stratégie du pays a consisté en l’identification et l’isolement des patients atteints du Covid-19, qu’ils soient symptomatiques ou non, afin de briser les chaînes de transmission au plus vite, d’éviter que l’épidémie ne se propage sur l’ensemble du territoire et de traiter précocement les malades. L’épidémie a aussi été contenue géographiquement avec 75 % des 11 000 cas déclarés concernant la ville de Daegu et ses alentours, et près de 50 % des cas liés à la seule secte Shincheonji.

Cette stratégie a tout d’abord été fondée sur un dépistage massif, mais ciblé. Au 26 février, la Corée avait par exemple testé plus de 46 000 personnes contre seulement 1 850 au Japon, et moins de 500 aux États-Unis. Le pays produit désormais un minimum de 300 000 kits de dépistage par jour, et il les exporte largement. En parallèle, les autorités coréennes ont utilisé les nouvelles technologies afin d’identifier au plus vite les cas contact ainsi que les cas suspects. Les nombreux agents du Centre coréen de contrôle et de prévention des maladies (KCDC) ont retracé les mouvements de certains malades, et non de l’ensemble des Coréens, en utilisant les images des caméras de sécurité, les utilisations des cartes de crédit ou même les données GPS de leurs voitures et téléphones portables afin d’identifier les cas contact.

Tous les voyageurs arrivant de l’étranger, y compris les ressortissants coréens, ont fait l’objet de mesures spécifiques afin d’identifier les cas d’importations, qui représentent aujourd’hui près de 10 % des 11 000 cas identifiés dans le pays. Des dépistages ont été effectués dans les aéroports pour les personnes venant d’Europe, et une application dédiée, en plusieurs langues, a été créée afin d’accompagner les dizaines de milliers de personnes mises en quarantaine – les cas contact aussi bien que les voyageurs en provenance de pays étrangers.

Les autorités coréennes ont fait preuve d’une grande transparence en mettant à jour quotidiennement un site Internet pour l’ensemble des habitants, y compris les étrangers, rassemblant les données épidémiologiques, les déclarations officielles, ainsi que les mesures de prévention. Cette information au grand public, à travers également l’envoi de nombreux messages ciblés sur les téléphones portables, a été une clé de la confiance de la population envers les autorités publiques, et in fine de la mobilisation nationale.

Loin de clichés sur la primauté de la collectivité asiatique sur l’individualisme occidental, c’est la préparation des autorités sanitaires coréennes au risque épidémique et la mise en œuvre d’une stratégie clairement définie qui ont permis à la Corée du Sud de devenir un modèle pour le reste du monde et d’éviter une crise sanitaire plus importante. 

 

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