Le cabinet médical est une passoire : il ne retient que ce qui va mal. J’en sors parfois le soir avec l’impression que tout le monde souffre. Évidemment, rien n’est plus faux : seuls ceux que la vie éprouve viennent consulter. Ceux qui vont bien existent, mais je ne les vois pas. Alors on a parfois tendance au pessimisme (une pente naturelle, mais dangereuse). Là, par exemple, il est 21 heures et je me retrouve bien malgré moi en train de repenser aux visages de la journée. Les patients. Mon ventre se serre. C’est horrible, la douleur que certains d’entre eux endurent. C’est horrible, ça, la « condition humaine ». Même ce mot… la condition… On croirait une maladie. « Être humain », c’est être malade : on a attrapé cette vieille grippe qui s’appelle l’existence. Car être c’est, fatalement, un jour ou l’autre, avoir mal.

On vient au monde, on rit aux éclats deux mille ou trois mille fois, un certain nombre de fois en tout cas (tenez peut-être que vous, ce sera 3 258 fois), en tout cas je suis sûr qu’il existe, hein, ce nombre exact de rires personnels avant la fin. Chaque destinée a une quantité de bonheur limitée, et cette vérité terri

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