Dans votre ouvrage La Crise de l’État providence paru en 1981, vous parliez d’une crise morale et culturelle de l’État. Près de quarante ans après, pensez-vous que l’actuelle épidémie signifie le grand retour de l’État providence ?

Cette crise marque avant tout le grand retour de ce qu’on peut appeler l’État hygiéniste, qui a une histoire différente. L’État providence, c’est une histoire de redistribution sociale, de solidarité et de dette sociale. Le propre de l’État de redistribution, c’est de considérer les termes dans lesquels il faut organiser une forme d’égalisation des conditions, des chances et des situations. L’État providence organise une certaine vision de la solidarité – l’État social classique, auquel s’ajoute l’État fiscal. La crise de l’État providence était liée aux limites du prélèvement fiscal. L’État hygiéniste se préoccupe de la population considérée dans sa globalité. Son sujet, c’est la population, alors que celui de l’État providence, ce sont les individus et donc les groupes sociaux.

Quelle est l’histoire de cet État hygiéniste ?

Elle a été marquée par plusieurs grandes dates : la première, c’est celle de l’épidémie de choléra, en 1832. Après cet épisode, on a vu se développer des conseils de salubrité publique. Lors de la nouvelle épidémie de choléra, en 1849, plus forte que la précédente, énormément de décisions ont été prises par la Seconde République qui ont amené l’État à reconsidérer son rôle et son champ d’action. Il a fait des réglementations et mis en place des institutions pour gérer l’insalubrité des logements, comme les comités consultatifs d’hygiène et de salubrité publique. À ce propos, un républicain célèbre, Martin Nadaud, a écrit : « Je crois que l’apparition du choléra dans notre vieille Europe, au lieu d’avoir été un malheur, a été au contraire un grand bienfait. Sans le choléra, en France comme à Londres, je doute que les pouvoirs publics eussent jamais songé à porter la pioche dans les quartiers pauvres. »

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