Pour l’étranger qui découvre Stockholm, la qualité des infrastructures de la ville est très appréciable : des rues propres, des transports publics qui fonctionnent, des institutions fiables, des administrations lourdes, parfois difficiles à saisir, mais relativement efficaces. « Avec les impôts que l’on paie, on peut s’attendre à cela », rétorquent ses habitants. La remarque, anodine, révèle plusieurs choses. Les Suédois reconnaissent la qualité de vie dans leur capitale et savent qu’elle a un coût – la Suède est dans le peloton de tête des pays les plus taxés, les prélèvements obligatoires représentant 44 % du PIB. Ils le paient avec une certaine confiance et une grande satisfaction par rapport à la manière d’opérer des pouvoirs publics. 

Les Suédois ne voient généralement pas leurs impôts. Ainsi, mon ami K., une fois par an, confirme la déclaration envoyée par le fisc. Il le fait sans vraiment regarder – pourquoi s’y intéresser, puisque cela fonctionne ? Il reçoit les feuilles de salaire mensuelles, délaissées elles aussi.

Souvent, les impôts sont prélevés sur la base des meilleurs mois et les citoyens reçoivent une compensation, une fois la déclaration complétée, sans autre formalité. Comme le prélèvement a été invisible, la surprise est agréable.

Le résultat de ce système est sous leurs yeux, autour d’eux : c’est l’environnement dont ils bénéficient. K. reçoit une bourse du gouvernement pour ses études. Il s’agit de la contrepartie de ce qu’il paie sans le voir, presque sans le savoir. 

L’ensemble repose sur une technologie au point, qui permet un minimum de surveillance directe de la part des imposés eux-mêmes. Il y a également peu de détournement de fonds publics, peu de fraude individuelle, peu de scandales. L’honnêteté générale encourage chacun à faire preuve d’honnêteté. La contestation est faible dans le pays, traditionnellement, et les discussions ou remises en question du niveau d’imposition très rares. Il semble que cela soit une forme collective acceptée : payer pour l’infrastructure de tous. Une manière de forger le lieu du commun. 

JULIEN CLÉMENT

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