1. Comment expliquer le ras-le-bol fiscal que la France connaît aujourd’hui ?

Thomas Coutrot : Contrairement au discours du gouvernement et de la droite, les Gilets jaunes, en grande majorité, ne se révoltent pas contre l’impôt mais contre l’injustice fiscale, que M. Macron a poussée jusqu’à l’absurde. Ils refusent le délitement des services publics et la hausse des taxes (les impôts indirects) alors que les pouvoirs publics ont multiplié les cadeaux aux détenteurs d’actifs financiers (suppression de l’ISF, flat tax) et aux grandes entreprises (CICE). Rappelons que les 1 % les plus riches ont bénéficié de 44 % du montant des récents allégements fiscaux et que l’évaluation officielle des effets du CICE sur l’investissement et l’emploi montre des résultats dérisoires, ces sommes ayant surtout servi à améliorer les marges des entreprises. L’exigence de justice – que les gros payent gros, que les petits payent petit – se trouve sapée par le poids croissant de l’impôt indirect, de la TVA, de la taxe carbone... Les chiffres confirment le sentiment populaire : les très riches paient beaucoup moins d’impôt proportionnellement à leur fortune que n’en payent les classes moyennes et populaires. Sans même parler de l’évasion fiscale…

Mathilde Lemoine : Le relèvement de cotisations et d’impôts spécifiques sur la consommation d’énergie, de tabac et d’assurance malgré le retour de la croissance et la réduction des déficits publics a été vécu comme une trahison. En effet, il faisait suite à une forte augmentation de la fiscalité mise en œuvre durant la crise pour limiter l’accroissement des inégalités et financer la réduction du déficit : hausse des cotisations sociales salariées et de la CSG, création d’une tranche supplémentaire d’impôt sur le revenu, gel des seuils de l’impôt sur le revenu durant trois ans, imposition à l’impôt sur le revenu des revenus du capital, baisse du plafond du quotient familial… De plus, les baisses d’impôts sur le capital et la suppression de l’ISF ont confirmé l’existence de marges de manœuvre pour diminuer le fardeau fiscal, ce qui a accentué le sentiment d’injustice. L’effet conjugué des perspectives limitées d’augmentation de salaires et d’un relèvement des cotisations et des taxes touchant des dépenses contraintes s’est refermé comme un piège sur les moins qualifiés. Les retraités ont aussi fait les frais de la hausse des contributions sociales et des taxes sur la consommation, alors que les pensions ont été gelées pendant plusieurs années et que ceux qui ont de l’épargne ont vu les taux d’intérêt devenir quasi nuls.

2. Quel impact aura le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu ?

Thomas Coutrot : L’impact sera globalement faible. Toutefois, les étudiants exerçant de petits boulots, bien que toujours non imposables, verront dès 2019 leur fiche de paie amputée et devront attendre une année pour se voir remboursés. On peut craindre également une tentation de fraude pour les contribuables aux revenus variables (indépendants, par exemple), qui pourraient imputer à l’année 2018 (non imposée) une partie de leurs revenus 2019. Mais cette mesure pourrait aussi avoir un impact plutôt positif en favorisant le choix d’une imposition individualisée au sein des cou

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