C’est l’un des premiers enseignements du grand débat national, initié le 15 janvier dernier : plus d’un Français sur deux juge que la fiscalité doit en être le thème prioritaire, selon un récent sondage IFOP. C’est donc fort logiquement sur cette question que porte la majorité des contributions déjà réunies, avec plus de vingt mille propositions en quelques jours sur la plateforme numérique proposée aux citoyens. Lisez-les, tout y passe : rétablissement de l’impôt sur la fortune, baisse de la CSG sur les retraites, suppression des niches, lutte contre l’évasion fiscale, et même instauration d’une TVA à 40 % sur les produits de luxe… Un grand fourre-tout qui traduit l’exaspération des Français sur la question fiscale, mais aussi la concentration des demandes sur quelques mesures plus symboliques que véritablement décisives.

Car, comme nous l’explique le sociologue Alexis Spire, spécialiste de la question fiscale, le débat sur l’impôt est souvent biaisé du fait de sa technicité. La plupart des dispositifs fiscaux sont aujourd’hui trop complexes pour être saisis de tous, médias et personnel politique compris. Le principe même de la progressivité de l’impôt est parfois confondu avec celui de la proportionnalité : interrogés par l’institut Harris, une large majorité de Français jugent qu’un individu qui gagnerait trois fois plus que son salaire actuel devrait mécaniquement payer trois fois plus d’impôts – tout en défendant paradoxalement l’idée que « plus un Français dispose de revenus élevés, plus son taux d’imposition doit être important » ! Face à ces circonvolutions et ces contradictions, le débat se réfugie alors autour de quelques totems bien balisés, au sujet desquels chacun peut s’époumoner : ISF, cotisations sociales, taxe d’habitation… Et tant pis si l’impôt sur le revenu, par exemple, objet de toutes les attentions, rapporte désormais bien moins à l’État que la CSG.

En creux, c’est l’ensemble du pacte social qui est remué par la question fiscale. Dans un pays devenu l’an passé champion du monde des prélèvements obligatoires, chacun peut reprendre à son compte la fameuse question : qu’est-ce qu’on fait du pognon ? Le grand débat sera jugé à l’aune de cette double exigence : pédagogie sur les recettes fiscales et transparence sur l’usage des fonds publics. Alors que les contribuables découvrent le prélèvement à la source, le 1 fait le point sur le grand chantier de la fiscalité. Et dessine les pistes de réforme d’un système à bout de souffle, dont le pays attend désormais un surcroît de justice. Histoire de faire ruisseler l’argent public, selon le souhait de Napoléon lui-même, à qui l’on attribue ces mots : « Les impôts ne sont que de l’argent prêté ; ils viennent du peuple, il faut qu’ils retournent au peuple, semblables à ces vapeurs que le soleil attire de la terre et qu’il y fait retomber en pluie ou en bienfaisante rosée. » 

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