Qu’est-ce qui déclenche la désobéissance ?

Il faut que quelque chose de très personnel s’engage, que l’acceptation ordinaire des situations devienne insupportable, qu’on ne puisse pas faire autre chose que de dire non. Sans ce rapport de chacun à sa propre conscience, la désobéissance devient collective par simple mimétisme, ce n’est jamais qu’une autre forme d’obéissance.

Quel est le champ de cet engagement personnel ?

Il recouvre ce domaine d’actions que le penseur américain Henry D. Thoreau, qui a rédigé le premier manifeste sur la désobéissance civile, caractérise par un principe d’indélégabilité. Pour aimer, créer, marcher, penser, désobéir, on ne peut pas se faire remplacer. C’est ce que j’appelle la dimension éthique de la désobéissance. Non pas qu’elle serait toujours vertueuse – ça, c’est de la morale – mais elle engage le sujet au plus profond de lui.

Vous évoquez une monstruosité de l’obéissance. Qu’entendez-vous par là ?

Comme dans les films de Dino Risi, il y a les monstres et les nouveaux monstres. Au XIXe siècle, on désignait comme monstres des individus sans éducation, esclaves de leurs pulsions primitives. C’est la leçon des Lumières : s’humaniser, c’est apprendre à se plier à la loi commune, toute bonne éducation passe par l’obéissance.

La rupture du XXe siècle, marqué par les horreurs du totalitarisme nazi ou communiste, c’est l’apparition d’une nouvelle forme d’obéissance automatique, aveugle, machinique, fanatisée, que décrit Hannah Arendt en parlant de « banalité du mal » au moment de rendre compte du procès Eichmann. Ce n’est plus l’opposition humanité-bestialité qui joue alors mais celle de l’humain et du machinique : le nouveau monstre obéit froidement, comme une machine.

« Face à la perspective d’une catastrophe imminente, on sent bien que les solutions classiques ne suffisent plus »

En sacralisant les lois du marché, le néolibéralisme, hélas, ne nous a pas permis de sortir de cette nouvelle forme de monstruosité : on se soumet à des diktats économiques sans considérer les co

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