Haifaa Al Mansour
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Y a-t-il une séquence qui a changé votre vie, et si oui, comment ?
J’ai été très impressionnée par Rosetta des frères Dardenne, qui m’a beaucoup inspirée pour Wadjda. J’ai été captivée par l’intensité et la détermination obstinée de ce personnage. La dernière scène, où elle baisse enfin la garde, m’a littéralement coupé le souffle. Bien que mon film soit très différent, j’ai été vraiment hantée par Rosetta et par l’idée d’une fille en guerre contre le monde, à sa manière.
Y a-t-il une séquence qui vous reste en mémoire, pour des raisons connues ou inconnues ?
J’ai toujours aimé la scène de La Jetée de Chris Marker où la femme se met à bouger, imperceptiblement. À ce moment, on s’aperçoit qu’on a été attiré dans le monde du narrateur, et que l’on veut en voir davantage. J’ai tenté d’atteindre une émotion similaire dans mon film, en créant un rythme constant dont la légère modification vous prend par surprise. La Jetée est un magnifique exemple de la manière dont une approche novatrice peut rendre vivante la plus simple des histoires.
Quel serait votre film rêvé ?
Comme le cinéma est toujours illégal dans mon pays, mon film rêvé serait une grosse production tournée en Arabie saoudite, destinée au public saoudien et distribuée en salle dans tout le royaume. La région du Golfe commence à voir émerger une production locale et une industrie du cinéma, mais nous avons encore un long chemin à parcourir en Arabie saoudite. C’est un gros marché cinématographique potentiel qui, si nous avions des salles de cinéma, pourrait générer des productions de grande ampleur, à budget important. J’espère qu’un jour nous en arriverons à une situation où l’on pourra réaliser nos propres films, raconter des histoires personnelles et porter à l’écran notre culture et notre identité singulières.
Où est l’avenir du cinéma, selon vous ? Comment le faire advenir ?
L’avenir du cinéma se trouve selon moi dans les communautés et les régions traditionnellement sous-représentées, absentes de la carte du monde cinématographique. Les nouvelles technologies ont rendu les outils du cinéma utilisables par tous, mais faire des films, c’est une démarche qui va au-delà de la technique. Pour aider les jeunes cinéastes à trouver leur voix, il nous faut davantage de coproductions, une collaboration accrue entre les gens de cinéma de l’Est comme de l’Ouest. Nous avons tellement à apprendre les uns des autres ; travailler à voir notre propre histoire au prisme d’un regard étranger est la clé d’un cinéma accessible à tous les publics, à l’échelle mondiale.
Qui admirez-vous le plus au monde, et pourquoi ?
J’ai toujours admiré les films de Jafar Panahi et son engagement dans l’art du cinéma. Il nous a montré, à nous qui travaillons au Moyen Orient, une manière de raconter nos histoires locales en nous faisant entendre du reste du monde. Ses films sont splendides et très cinématographiques tout en restant simples et proches de leur culture d’origine. Son travail m’encourage à continuer de chercher des histoires chez moi, où il y a tant de nouvelles perspectives à partager avec le monde.
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