Hello !
– Bonjour.
You are... It’s really you ?
– C’est bien moi.
– Woaw ! You speak French ! C’est incredible ! Et vous rencontrer dans un elevator... Vous montez ou vous descendez ?
– Ça dépend. Du point de vue de l’ascenseur, nous ne bougeons pas. C’est l’ascenseur qui bouge.
– Ah oui. Et il monte ou il descend ?
– Ça dépend. S’il descend du point de vue de la Terre, du point de vue de la Lune il monte.
– Je comprends. Du point de vue de E.T., Indiana Jones est moche. I’m your biggest fan ! Je me présente : je suis un French réalisateur. Vous permettez que je vous parle de mon project ?
– À Hollywood, cette situation porte un nom : the elevator pitch. Vous avez moins de deux minutes pour faire impression au boss croisé dans l’ascenseur. Le temps entre deux arrêts. Time is money. Je vous écoute.
– OK. Alors ça commence dans un ascenseur à Cannes, un jeune réalisateur français rencontre Steven Spielberg et le convainc en moins de deux minutes de produire son film. Vous en pensez quoi ?
– Pas mal. Un court métrage ?
– Non, come on ! C’est Steven Spielberg ! Pour les courts métrages on peut faire tout seuls, en France on a the CNC quand même !
– Et après, de quoi ça parle ?
– De la différence entre la vie et le cinéma. Vous voyez, là c’est votre vie, elle est chiante, enfin la mienne, et vous aimeriez que ce soit comme dans un film. Comme maintenant. Comme la vôtre.
– Je me souviens quand j’ai rencontré cette fille. Je l’ai emmenée voir une comédie ­romantique. Juste après l’avoir ramenée chez elle, je me suis retrouvé seul à un carrefour et je me suis dit : si j’étais dans un film, je ferais demi-tour.
– Et alors ?
– C’est vous qui pitchez. Devinez.
– Vous l’avez épousée ?
– Non, j’ai eu un accident. Bon. Et après, il se passe quoi ?
– Euh... L’ascenseur tombe en panne !
– Les ascenseurs ne tombent pas en panne à Cannes. Trop deus ex machina.
– Pas une panne. Une grève ! A strike. You know, it’s French. Like baguette. Mais pas de problème, on tournera en Inde ou en Roumanie.
– Vous voulez tourner en Inde un film qui se passe dans un ascenseur ?
– Vous avez raison. On peut tourner là, maintenant, avec mon smartphone.
– Donc vous n’avez pas besoin de moi, vous tournez déjà !
My God, you have so much réponse à tout. Dans un film, vous auriez trouvé mon idée géniale et vous m’auriez signé tout de suite.
– C’est vrai. Dans un film, j’aurais vraiment été Steven Spielberg.
– Quoi ? It’s not you ! ? You look like him terribly !
– C’est la barbe. It’s the beard. Et j’ai les dents de sa mère.
– Mais si vous n’êtes pas vous, enfin si vous n’êtes pas lui, c’est pour ça que you speak French so well ?
Of course. I am French. Et psychanalyste. Ce que vous venez de faire s’appelle une projection. Vous voyez ce que vous voulez voir. Le vrai producteur, c’est votre Inconscient, pas moi.
– Mais you have a smoking et un nœud-pap !
– À Cannes, it’s not really an exception culturelle !
If you’re French, we can speak French, non ?
Yes we can.
– Mais on ne le fait pas ? Why ?
– Moi c’est parce que vous m’avez pris pour Steven Spielberg. Je ne voudrais pas vous décevoir. And you ?
– Moi je suis ivre, et ivre à Cannes, I speak English. It feels better, I don’t know why. On the other side of Champagne, I am allergic to alcohol.
– Pourquoi boire alors ?
For work. Le boulot. Quand je suis drunk, my English is rich. Comme quand je watch a movie. En English, ça fait really cinoche. Sinon franchement...
– Pour moi c’est le contraire. Un vrai film c’est en français, with English subtitles.
– La New Wave ?
– En bon anglais on dit La Nouvelle Vague. Le français, c’est encore mieux en anglais. Comme dans Un poisson nommé ­Wanda, où la femme adore que son amant lui parle russe. L’anglais excite les Français, mais ce qui excite le reste du monde, c’est d’entendre parler français. La projection, toujours !
– Comment on dit « montée des marches» en anglais ? Red carpet ?
– On dit « montée des marches ». Mais du point de vue de l’alcool, ce sont plutôt les marches qui vont vous monter.
– Je ne comprends pas pourquoi avec toute cette technologie, il faut encore se taper des marches.
– Ça permet de faire le tri entre ceux qui parlent vraiment anglais et les ivrognes.
– Un alcootest...
– Ce n’est pas juste un escalier. C’est un message.
– Quel message ?
DING !
– On est arrivés. Vous ne descendez pas ?
– Non. Je reste là. Je suis le psy de l’ascenseur. Vous me devez 100 euros.
– Quoi ? Vous passez tout le festival ici ?
– En cas d’urgence. C’est très dangereux de réaliser son rêve. Après, on déprime. Spielberg a dû fuir jusqu’en Russie et en Inde pour échapper aux T-shirts des Dents de la mer. Spielberg, Coppola et Lucas, tous les « hommes qui valaient trois milliards »... C’est comme dans le film avec Bogart : plus dure sera la chute !
Because Cannes, c’est le haut du pavé.
– Oui. Et c’est le bas de la page. Vous rêvez tous de faire des films, mais par pitié, prenez l’escalier !  

@opourriol

 

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