Barthes est-il un philosophe ? Un penseur ? Un écrivain ? Comment le définir ?

Barthes est beaucoup de choses en même temps. Il est à la fois écrivain et anti-écrivain, car il écrit sans vouloir faire de la « littérature ». Il est philosophe et antiphilosophe, car il pense en construisant des concepts, tout en reprochant à la philosophie sa prétention à être une discipline dominatrice. Il est théoricien et anti-théoricien, car il bâtit des systèmes, mais ne cesse de les déconstruire par crainte de les voir se figer. Barthes est dans une oscillation constante entre le pour et le contre, le positif et le négatif. Il se rattache par là à la grande tradition des essayistes français, comme Montaigne, mais s’en distingue par son goût pour les avant-gardes, les ruptures, les marges. C’est aussi quelqu’un qui revendique d’être traversé par des influences.

Précisément, quelles sont ses influences et ont-elles évolué au fil des décennies ?

Elles sont très nombreuses et sans cesse renouvelées au long de sa carrière. Après la Seconde Guerre mondiale, lorsqu’il commence à écrire, il est très proche du marxisme et de Sartre, mais aussi de la linguistique, qui est encore peu populaire à l’époque. Puis il s’en éloignera pour se rapprocher des avant-gardes théoriques françaises, de Lacan à Derrida, en passant par Sollers. Mais cette esthétique de l’influence n’est pas pour autant une forme de passivité. Barthes pioche partout, dans toutes les disciplines, choisit ce qui l’intéresse, laisse de côté ce qu’il n’aime pas. Aucun dogmatisme chez lui. Il va investir tous ces fragments empruntés de sa propre sensibilité, de ses propres désirs et de sa propre esthétique.

Quel regard porte-t-il sur la littérature, son premier objet d’étude ?

Dès la fin des années 1950, il se lance dans une critique radicale de la littérature. Pour lui, celle-ci se trouve dans une véritable impasse, embourbée dans toutes sortes de clichés, de tics et d’effets de style, dans une glorification bourgeoise du « chef-d’œuvre » dont Proust est l’aboutissement. Cette « grande littérature », avec sa psychologie conventionnelle, son réalisme standardisé, son carcan stylistique, n’est plus, pour Barthes, qu’un vecteur d’aliénation.

« Pour Barthes, une littérature qui est coincée dans ses ornements ne peut plus rien dire du monde »

En opposition à cett

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