Rares sont les intellectuels qui ont réussi à passer à la postérité sous la forme d’un objet symbolisant leur œuvre. Si la chose est courante dans le domaine littéraire – Proust a sa « madeleine » ; Flaubert a son « perroquet » –, elle demeure singulière dans l’histoire des idées. Longtemps la figure de Barthes a eu pour effigie la Citroën DS. Pas besoin de le lire ni de le connaître pour savoir que Barthes, c’est la DS. Cette forme d’équivalence repose sur un court-circuit dans l’ordre de la réception : on connaît d’abord l’auteur par l’objet dont il a parlé ; on le lit ensuite pour retrouver le lieu exact où il l’a évoqué. S’il tend aujourd’hui à se distendre, ce doublon « Barthes-DS » n’en demeure pas moins symptomatique de qui fut Roland Barthes aux yeux du grand public et du rôle critique qu’il joua lors de l’émergence des Trente Glorieuses.

Il est engagé par Publicis pour rédiger une enquête sur l’image publicitaire de l’automobile

Au tournant des années 1950-1960, Roland Barthes occupe en effet une place singulière dans le champ intellectuel. Proche du philosophe et historien Henri Lefebvre, il s’intéresse au quotidien des Français et aux formes d’aliénation qui empêchent toute expression libre de soi ; il participe aux travaux du Centre d’études de communication de masse (Cecmas) ; il donne un séminaire à l’École pratique des hautes études sur « les systèmes contemporains de signification (vêtement, nourriture, logement) » ; il est engagé par Publicis pour rédiger une enquête sur l’image publicitaire de l’automobile. Pour éclectiques que paraissent ses objets d’étude, ils sont tous pris dans les entours de la soc

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