Les formules de François

J&rsquo;ai souvent cit&eacute;, moi qui ne suis ni croyant ni a fortiori papiste, ce mot qu&rsquo;on pr&ecirc;te &agrave; mon estim&eacute; coll&egrave;gue Michel Serres : &laquo; En Mai 68, quand je voulais faire rire mes &eacute;tudiants, je leur parlais de religion, mais pour les passionner, j&rsquo;&eacute;voquais bien s&ucirc;r la politique. Aujourd&rsquo;hui, c&rsquo;est l&rsquo;inverse ! &raquo; Et c&rsquo;est vrai, la vie politique nous consterne, elle ne suscite, c&rsquo;est le moins qu&rsquo;on puisse dire, ni passion ni respect au moment o&ugrave; l&rsquo;aura du pape pourrait faire p&acirc;lir d&rsquo;envie un autre Fran&ccedil;ois. Souvenons-nous du succ&egrave;s que rencontr&egrave;rent d&eacute;j&agrave; &agrave; Paris les Journ&eacute;es mondiales de la jeunesse. Elles rassembl&egrave;rent en l997 pr&egrave;s d&rsquo;un million de jeunes gens tout &eacute;baubis par le discours d&rsquo;un vieillard polonais pourtant fort amoindri par la maladie et bien difficile &agrave; comprendre, voire tout simplement &agrave; entendre. Beno&icirc;t XVI, quelles que soient les qualit&eacute;s intellectuelles et morales qu&rsquo;on lui pr&ecirc;te, avait par trop donn&eacute; le sentiment d&rsquo;&ecirc;tre coup&eacute; du monde, voire de s&rsquo;enfermer dans une vision exclusivement traditionaliste de son pontificat. De l&agrave; le fait que nombre d&rsquo;observateurs, mais &agrave; mes yeux &agrave; tort, ont voulu faire du pape Fran&ccedil;ois un &laquo; moderne &raquo; par opposition aux archa&iuml;smes r&eacute;els ou suppos&eacute;s de son pr&eacute;d&eacute;cesseur. &Agrave; tort, car la v&eacute;rit&eacute;, c&rsquo;est que ce pape venu d&rsquo;un autre continent est plut&ocirc;t celui qui, contre une tradition eccl&eacute;siastique finalement bien accept&eacute;e par Jean-Paul II et Beno&icirc;t XVI, revient aux origines, au message d&rsquo;amour et de charit&eacute; qui fut celui du Christ face aux marchands du temple. Non sans humour, il ne craint pas de demander &agrave; ses cardinaux d&rsquo;en finir avec leurs &laquo; t&ecirc;tes d&rsquo;enterrement &raquo; (sic !) et leur souci trop manifeste des vanit&eacute;s de ce monde pour se recentrer sur les missions premi&egrave;res de l&rsquo;&Eacute;glise, celles qui concernent les pauvres et les jeunes. S&rsquo;agissant de la pauvret&eacute;, il propose une belle mise au point doctrinale touchant la richesse et, plus g&eacute;n&eacute;ralement, le rapport &agrave; l&rsquo;argent. On se souvient de la fameuse parabole du jeune homme riche qui refuse de partager ses biens avec autrui (ce qui fait dire &agrave; J&eacute;sus qu&rsquo;il sera &laquo; plus difficile &agrave; un riche d&rsquo;entrer au royaume des cieux qu&rsquo;&agrave; un chameau de passer par le trou d&rsquo;une aiguille &raquo;). Fran&ccedil;ois montre comment il faut y voir, non l&rsquo;apologie du mal-&ecirc;tre et de la mis&egrave;re, mais au contraire celle du partage, qui suppose bien qu&rsquo;on valorise un certain confort mat&eacute;riel &ndash; sinon pourquoi recommander d&rsquo;en faire b&eacute;n&eacute;ficier autrui ? C&rsquo;est dans cet esprit que &laquo; l&rsquo;&Eacute;glise des pauvres &raquo; doit elle aussi partager davantage, message que le pape a voulu faire passer de mani&egrave;re symbolique en renon&ccedil;ant aux ors et aux pompes de l&rsquo;appartement pontifical pour habiter dans la r&eacute;sidence Sainte-Marthe. Quant aux jeunes, s&rsquo;il faut s&rsquo;adresser &agrave; eux en priorit&eacute;, c&rsquo;est qu&rsquo;ils ne cessent de poser des questions qui nous d&eacute;rangent et que, malgr&eacute; leurs na&iuml;vet&eacute;s, leur app&eacute;tit spirituel est infiniment plus grand qu&rsquo;on ne croit. &Agrave; bien y regarder, il n&rsquo;y a plus gu&egrave;re au monde que deux chefs d&rsquo;&Eacute;tat qui soient encore audibles : le pape et Angela Merkel quand elle allie l&rsquo;audace r&eacute;formatrice, la puissance &eacute;conomique et la volont&eacute; affich&eacute;e d&rsquo;accueillir un grand nombre de r&eacute;fugi&eacute;s. Les M&eacute;lenchons et autres contempteurs de l&rsquo;Allemagne auront beau clamer qu&rsquo;il s&rsquo;agit l&agrave; d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;ts inavouables, le geste restera grav&eacute; dans les m&eacute;moires, comme le restera l&rsquo;ab&icirc;me que Fran&ccedil;ois aura ouvert entre ses pr&eacute;d&eacute;cesseurs et lui.

Les formules de François

Vatican III

Christian Bobin

Racine - A la louange de la charité

Louis Chevaillier

Les formules de François

Jochen Gerner

« La parole du pape, c’est la parole instantanée, la parole qui guérit, la parole qui apaise »

Philippe Levillain

[Numérotation]

Robert Solé

Au-delà de l’abîme

Luc Ferry

Tous les numéros du 1