Une jeune députée prend la parole et s’adresse à ses pairs. Elle s’appelle Chlöe Swarbrick. Elle a 25 ans et plaide d’un ton percutant pour une meilleure prise en compte des impératifs écologiques. Un opposant l’interpelle. Elle lui cloue le bec d’une expression lapidaire : « Ok boomer », qui signifie en gros « Cause toujours ».

Nous sommes en Nouvelle-Zélande, début novembre 2019. Sans le savoir, la députée verte vient de lancer une formule qui va être reprise et amplifiée sur les réseaux sociaux du monde entier. « Ok boomer » devient l’étendard d’une génération ou plus exactement de sa pointe avancée.

Si le 1 s’y intéresse cette semaine, c’est que le phénomène semble nouveau à plusieurs titres. En premier lieu, il ne s’agit pas d’un coup marketing comme la déclinaison décennale des générations X, Y, Z… Nul institut ni magazine n’ont lancé cette expression qui claque désagréablement aux oreilles des baby-boomers. Nous assistons bien à la naissance d’un mouvement ample et mondialisé comme celui des yéyés, identifié et analysé au début des années 1960 par le sociologue Edgar Morin.

Il y a cependant une différence de taille. Le mot d’ordre « Ok boomer » déborde de beaucoup le seul domaine de la culture populaire. Il ne s’agit plus de crier sa révolte individuelle contre la société établie. Les jeunes qui se reconnaissent dans cette bannière entendent signifier au vieux monde qu’il existe une urgence climatique et qu’ils veulent la traiter immédiatement. La planète n’attend pas !

Bien d’autres sujets et thèmes les caractérisent et les mobilisent. Nous avons choisi dans ce numéro d’en privilégier deux autres : la question du genre et celle des réseaux sociaux. Sous l’apparence de l’évidence ou du déjà entendu, on découvre en réalité un nouveau monde. Ceux qui se reconnaissent dans l’expression « Ok boomer », dans leur style de communication, sont déjà ailleurs. Ils parlent leur propre langue, partagent d’autres codes, utilisent d’autres outils pour se faire entendre. C’est une révolution générale, bien actée. Celle du genre, moins unanime, est en marche. Ce sont 13 % des jeunes de 18 à 30 ans qui se déclarent non-binaires – comprendre qu’ils ne se sentent ni hommes ni femmes –, selon une enquête OpinionWay. Une minorité qui s’ajoute à d’autres minorités LGBTQI+, lesquelles finissent par dessiner une nouvelle société.

Ces révolutions ont lieu sous nos yeux et nous ne les voyons pas. Elles ne sont pas le signe d’une guerre entre générations. Ce serait banal. Elles sont plutôt l’une des facettes d’un phénomène politique beaucoup plus large que l’on appelle le « dégagisme » depuis le Printemps arabe de 2011. « Ok boomer » souligne cette réalité : l’heure est au mouvement, à l’impatience. À l’urgence. 

 

Vous avez aimé ? Partagez-le !