Le grand bazar
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La pandémie n’a pas fait que des malheureux. Elle a même inspiré quelques grands sourires, comme celui qui barre chacun des milliards de colis délivrés par Amazon chaque année. En un an, dopé par le confinement et la fermeture des magasins physiques, le géant de Seattle a connu un bond vertigineux de ses ventes, avec un chiffre d’affaires en hausse de 44 % et une capitalisation boursière qui dépasse à présent les 1 600 milliards de dollars. Une consécration pour la firme de Jeff Bezos, fondée en 1994 dans un garage simplement décoré d’un « Amazon.com » graffé à la bombe de peinture. Vingt-sept ans plus tard, le natif d’Albuquerque, devenu l’homme le plus riche du monde, va quitter son poste de directeur général le 5 juillet. Moins pour savourer une retraite anticipée que pour préparer les prochaines étapes de la conquête.
Sous sa direction, Amazon est passé en moins de trois décennies d’une petite librairie en ligne à une entreprise totale, un grand bazar aux dizaines de millions de produits affichés et aux deux cents millions d’abonnés. Jusqu’où peut-il encore grandir ? Ce numéro du 1 hebdo se penche sur la stratégie d’un empire tentaculaire qui étend désormais son influence bien au-delà du simple e-commerce : hébergement de données dans le cloud, assistants personnels, transports, santé, alimentaire, sécurité… Sans oublier la production de contenus culturels et leur diffusion, bientôt nourrie par le catalogue des studios MGM, rachetés pour 8,4 milliards de dollars, Roland-Garros ou Le Seigneur des anneaux. La recette est simple, résumée par Jeff Bezos en 2016 : « Lorsque je remporte un Golden Globe, cela m’aide à vendre plus de chaussures. »
Reste que la richesse de ses étals et la qualité du service client d’Amazon ne doivent pas occulter les versants plus sombres de son activité. La firme est régulièrement tancée pour sa faculté à échapper à l’impôt, en Europe notamment. Les PME qui vendent sur son site dénoncent le comportement brutal d’un ogre qui prélève sa taxe sur chaque transaction. Quant au plus d’un million d’employés de ses entrepôts, ils travaillent dans des conditions souvent difficiles, comme en témoigne l’enquête Nomadland de Jessica Bruder, adaptée à l’écran par Chloé Zhao, et dont nous vous proposons un extrait. Est-il encore temps de « brider ou briser » Amazon, comme l’espère Alec MacGillis, auteur d’un essai sidérant sur les ravages de l’entreprise dans nos sociétés ? Celle-ci figure en tout cas dans le collimateur de Bruxelles et de Washington, inquiets de sa toute-puissance. Faute de concurrents, Amazon va devoir désormais affronter les États. Ce sera l’un des premiers chantiers de l’ère Andy Jassy, successeur annoncé à la tête de cet empire habitué à masquer ses dents longues derrière son sourire.
« Aucune autre compagnie au monde n’est aujourd’hui aussi dominante »
Alec MacGillis
« Amazon n’est pas seul responsable, mais sa croissance a accompagné un mouvement de relégation des villes secondaires, vidées de leurs magasins et de leurs emplois, et donc de leur vie sociale, tandis que les métropoles florissantes concentrent la richesse captée par le commerce en ligne, les m…
[Tourment]
Robert Solé
Boycotter Amazon ? Pas si simple… Le journaliste et écrivain Robert Solé nous raconte ses dilemmes de citoyen à la fois responsable mais tout aussi enclin à céder à la facilité.
« Un ogre qui abuse du système »
Mounir Mahjoubi
Pour le député et ancien secrétaire d’État chargé du numérique, il est urgent d’ouvrir les yeux face aux ambitions hégémoniquaes d’Amazon et de le soumettre à une régulation plus drastique. Il salue d’ailleurs un début de prise de conscience internationale avec, par exemple, le Digital Markets Ac…