En tant que citoyen responsable, je pense qu’il faut boycotter Amazon. Cette multinationale tentaculaire tue le petit commerce, exploite ses salariés, utilise nos données personnelles et échappe à l’impôt alors qu’elle fait des profits colossaux.

Mais il se trouve que je suis également un consommateur raisonnable, ayant une famille à charge et des ressources limitées. Amazon, ce n’est pas bien, mais c’est bien pratique. Avec mon abonnement Prime, je peux, d’un simple clic, obtenir n’importe quoi, de l’arrosoir pliable aux analyses de Mein Kampf, avec une livraison gratuite, généralement en 24 heures, sans compter l’accès à des films, des séries et de la musique.

J’en profite et j’en ai honte. Dès réception d’un colis, je m’emploie à faire disparaître le carton d’emballage portant le logo d’Amazon. Cette flèche courbée en forme de sourire me rend plus Janus que jamais : j’y vois tantôt un sourire irrésistible et tantôt un « Souriez, vous êtes arnaqué ».

Non, je n’arrive pas à quitter l’Amazonie. Je me suis demandé si, à défaut de la boycotter, il n’y avait pas moyen de la combattre de l’intérieur. Dans la rubrique livres, qui compte plus de huit millions de titres, j’ai tapé à tout hasard le nom de la pieuvre. Elle m’a aussitôt proposé Le Monde selon Amazon et Amazon main basse sur le futur, deux ouvrages qui dénoncent son emprise et ses méthodes. Livraison Prime en un jour, et même instantanément en ebook, avec l’appli gratuite Kindle. Cas de conscience : devais-je acheter ces livres pour nourrir ma réflexion, quitte à enrichir Jeff Bezos, première fortune mondiale, de quelques euros ? L’indignation a pris le dessus : j’ai cliqué deux fois, impatient de me documenter, oubliant que je pouvais passer commande au libraire de mon quartier. Dur, dur d’être un citoyen responsable ! 

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