Il reste plus d’un an et demi à Emmanuel Macron, et pourtant, tous les regards semblent déjà tournés vers avril 2022. Nous n’en sommes pas encore au niveau de la « campagne permanente » qu’est la politique américaine, mais force est de constater que le quinquennat a eu pour effet pervers de raccourcir le temps de l’action politique et d’allonger celui de la campagne. Cette nouvelle donne impose au président sortant de penser en même temps sa stratégie de campagne et l’action politique du dernier tiers de son mandat. Et ce, alors même que les électeurs font leur choix de plus en plus tardivement, parfois quelques minutes avant de mettre le bulletin dans l’urne.

 

Comment penser une campagne aussi longue ? C’est bien toute la difficulté devant laquelle se trouvent aujourd’hui les candidats. Car tout concourt, dans le paysage économique, social et politique actuel, à générer de l’incertitude. La volatilité électorale est croissante, du fait de la désaffiliation partisane et de la désidéologisation. De plus en plus de Français ne se reconnaissent dans aucun parti. Plus de 40 % se positionnent soit « au centre » – manière de se placer dans le jeu démocratique, sans prendre parti pour autant –, soit nulle part. Ils peuvent dès lors, au gré du contexte, aisément passer d’un camp à l’autre. Chaque candidat peut ainsi espérer de grandes victoires, mais cela implique également que rien n’est acquis pour personne, et qu’il n’existe plus aucune rente politique du type de celles dont les grands partis se sont longtemps prévalus. L’ère de la politique à l’état gazeux est aussi celle du risque politique maximal.

 

Le défi qui se présente aux candidats – et plus encore au président sortant, qui se trouve constamment sous le feu des projecteurs – se trouve considérablement compliqué par le contexte inédit dans lequel cette campagne va se dérouler. La double crise économique et sanitaire réduit en effet considérablement leur marge de manœuvre, ils ne pourront pas choisir leur terrain d’affrontement médiatique : nul n’est capable de dire si le Covid-19 sera de l’histoire ancienne en 2022. Ni si et quand l’économie française rebondira, et avec quelles séquelles économiques et sociales. Ces deux facteurs auront un « effet de cadrage » potentiellement puissant sur la campagne électorale : va-t-on choisir, en 2022, le « président qui nous protège le mieux face à la maladie » ? Le « président le plus efficace sur le plan économique » ? Ou bien la question sera-t-elle celle de notre capacité à vivre ensemble, à l’heure où les tensions sociales et identitaires semblent se multiplier ?

 

Pour la première fois, les candidats risquent d’avoir très peu de marge de manœuvre pour imposer leur agenda. Il y a de fortes chances que ce soient les événements – l’existence d’un vaccin, ou pas, le rebond économique qui dépend largement de la conjoncture européenne et mondiale – qui dicteront les termes du débat en 2022.

 

De tous, c’est sans doute le président qui sera le plus handicapé dans la campagne qui s’ouvre. Les nouvelles règles du jeu politique font de la nouveauté un atout, là où le manque d’expérience gouvernementale était jusqu’à récemment vu comme un risque. Avoir exercé le pouvoir, indépendamment du bilan, est désormais un handicap. 

 

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