Le procès le plus long des annales judiciaires pour juger la série d’attaques terroristes la plus meurtrière de notre histoire : le 13 novembre 2015, les tueurs de Daech ont cumulé tous les modes opératoires (bombes, fusillades, prise d’otages) pour causer le plus de ravages : 131 morts, des blessures par centaines, un pays traumatisé. Neuf mois pour un procès historique (et donc filmé), la cour d’assises de Paris devrait poursuivre ses audiences jusqu’à la fin mai, à moins qu’Omicron ne vienne tout perturber.

Le défi n’est pas mince : juger quatorze accusés tout en entamant une forme de réparation morale à l’égard des victimes. Pour la première fois, une cour leur fait une grande place. Des moyens inédits ont été déployés pour édifier une immense salle d’audience qui devrait servir de nouveau pour juger l’attentat de Nice en septembre. Les parties civiles étaient 1 800 à l’ouverture des débats, elles sont aujourd’hui 2 400. Parmi elles, 350 se sont longuement exprimées à l’automne, le président Jean-Louis Périès a prévu d’accorder un nouveau temps de témoignage en mars.

Au moment où la cour commence l’examen des faits et responsabilités, le 1 a voulu comprendre la portée de cette parole collective et multiple. Pour Denis Salas, magistrat et essayiste, ce procès marque une étape importante dans l’histoire d’une justice pénale « qui s’est déplacée du côté des victimes ». La fondatrice de SOS Attentats, Françoise Rudetzki, rappelle combien, depuis trente ans, cette participation a été l’objet d’un combat face aux terroristes, mais aussi face à l’institution judiciaire et aux réticences des victimes elles-mêmes. Assister au procès, qui plus est témoigner, est une épreuve. Camille Gardesse, rescapée de l’attaque contre La Belle Équipe, cite cette phrase d’Ambre, serveuse dans ce restaurant où 21 personnes ont péri : « Cela peut m’aider à croire ce que j’ai vu. »

Georges Salines a perdu sa fille Lola au Bataclan. Il s’est longuement confié à nous, avouant qu’il n’attendait rien de particulier de ce procès sinon tenter « de comprendre comment on devient terroriste ». Surmonter la haine et un désir de vengeance n’est rien moins qu’évident. L’administration d’une justice équitable se situe dans ce dépassement. La plupart des parties civiles sont prêtes à « des peines individualisées et proportionnées », estime Denis Salas. « C’est notre force, et nous l’opposons à la violence des actes qui ont été commis », conclut Georges Salines. C’est la promesse d’une victoire de la dignité sur la barbarie, le choix du droit plutôt que celui de Guantánamo. 

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