Emmanuel Macron a-t-il songé à René Dumont en annonçant, la semaine dernière, la « fin de l’abondance » et la réapparition de la « rareté » de l’eau ? S’il n’était pas encore né en 1974, le président de la République est certainement familier de cette séquence de la campagne présidentielle du tout premier candidat écologiste. Face aux caméras, l’agronome avait porté un verre d’eau à ses lèvres avant d’affirmer : « Nous allons bientôt manquer d’eau, et c’est pourquoi je bois devant vous un verre d’eau précieuse puisqu’avant la fin du siècle, si nous continuons un tel débordement, elle manquera. »

Quarante-huit ans plus tard, cette prophétie résonne à la manière d’un puits déjà vide. Finis les « si », adieu les « bientôt » : l’été 2022 a confirmé que les effets du changement climatique étaient déjà là, symbolisés par une sécheresse qui a touché l’intégralité du territoire et coupé le robinet dans plus d’une centaine de communes. Cette crise hydrique avait, à vrai dire, commencé plus tôt, dès l’hiver et le printemps, chiches en précipitations. Mais dans ce pays qui s’enorgueillit tant de ses cours d’eau qu’il a baptisé plus de deux tiers de ses départements de leurs noms, il a fallu que le mercure grimpe très haut pour s’apercevoir que les nappes phréatiques avaient plongé très bas. Et si la canicule a fait des vagues cet été, c’est bien la seule, tant le débit manque désormais dans des rivières devenues ruisseaux au bout d’une saison à l’aridité inédite – et qui pourrait, hélas, se poursuivre encore plusieurs mois, la chaleur en moins, comme l’explique l’hydroclimatologue Florence Habets dans notre entretien. Si bien que nous pourrions, comme le Jean de Florette de Pagnol, finir par prier les cieux que tombe la pluie, pour oublier les sécheresses et les sources taries.

« L’été 2022 a confirmé que les effets du changement climatique étaient déjà là »

Dans ce numéro du 1, nous revenons sur les ressorts de cette crise de l’eau, entre changement climatique et épuisement des sols, mais aussi défauts de gouvernance et mauvaises pratiques. Cette dimension humaine est à la fois déplorable et réconfortante : si la France n’est pas de « ces pays imbéciles où jamais il ne pleut » que chantait Brassens dans L’Orage, alors c’est que le manque d’eau n’est pas inexorable. Mais il implique une réflexion collective sur la gestion de la ressource et de ses usages. Il ne suffit pas de décréter la fin de l’abondance, encore faut-il organiser le juste partage afin que les stocks ne soient pas accaparés. Et que les bonnes résolutions ne s’évaporent pas à la première ondée. 

Vous avez aimé ? Partagez-le !