Pour ce poème métaphysique, Goethe se fie à ses impressions les plus intimes : l’exaltation ressentie à trente ans devant les chutes du Staubbach, de près de trois cents mètres de haut. Aujourd’hui, même le Rhin est à sec… « Pourquoi faut-il que ce qui fait la félicité de l’homme devienne aussi la source de son malheur ? » se lamentait Werther, le héros de son premier roman. 

L’âme de l’homme
Ressemble à l’eau :
Venant du ciel,
Montant au ciel,
Devant descendre
Sur terre encore,
Changement éternel.


Le pur filet jaillit
De la paroi
Haute et abrupte,
Puis asperge avec grâce
D’eau vaporeuse
Le rocher lisse,
Légèrement s’y pose
Et ondoie comme un voile,
Dans un murmure
Gagnant le gouffre.


Si des rochers
S’opposent à sa chute,
De dépit il écume
Et, par degrés,
Va vers l’abîme.


En son lit plat
Il glisse par les prés du val,
Et c’est dans l’onde unie d’un lac
Que tous les astres
Baignent leur face.


Le vent est pour la vague
Un amant caressant ;
Le vent jusqu’au fond mêle
Les vagues écumantes.


Âme de l’homme
Que tu ressembles à l’eau !
Destin de l’homme,
Que tu ressembles au vent !

Poésies, traduction de Roger Ayrault
© Aubier, 1951

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