Joe Biden prend la parole plus souvent que Vladimir Poutine, mais il n’est pas forcément plus simple de comprendre ce qu’il a en tête. Depuis le 24 février, début de l’invasion russe en Ukraine, le président américain est ainsi resté volontiers ambigu sur l’étendue du soutien qu’il est prêt à accorder à l’Ukraine. Et sa tribune donnée il y a deux semaines au New York Times, intitulée « Ce que l’Amérique fera et ne fera pas en Ukraine », ne tranche pas tous les débats, à l’heure où le monde s’interroge sur la tactique de son traditionnel gendarme.

« Il est dans notre intérêt national vital de garantir une Europe pacifique et stable et de faire comprendre que la force ne fait pas le droit », écrit Joe Biden, sans se laisser entraîner dans une escalade des mots. Du côté des actes, c’est autre chose : depuis le début du conflit, les États-Unis ont déversé plus de 50 milliards de dollars pour aider Kiev, afin que le pays puisse s’équiper de chars blindés, d’hélicoptères, de drones ou de missiles bien plus sophistiqués que ceux employés par les troupes russes. Un armement massif, qui rend le conflit toujours plus incertain.

L'Amérique n’est-elle plus qu’un tigre de papier, condamné à feuler à défaut de pouvoir mordre ?

Biden n’oublie pas pour autant l’autre grand front, désormais plus important à ses yeux, l’Indo-Pacifique. Fin mai, le locataire de la Maison-Blanche a ainsi mené une tournée auprès de ses alliés traditionnels, japonais et coréens, pour les rassurer quant à l’engagement américain à leurs côtés. Il est même allé plus loin, en promettant de défendre militairement Taïwan en cas d’agression de la Chine, un pas notable par rapport à l’ambiguïté stratégique jusque-là prônée par la diplomatie américaine, qui met désormais la pression sur Pékin et ses ambitions asiatiques.

Mais après vingt ans de guerres aussi dispendieuses que malheureuses au Moyen-Orient, l’Amérique est-elle encore prête à faire usage de sa force ? Ou n’est-elle plus qu’un tigre de papier, condamné à feuler à défaut de pouvoir mordre ? La réponse est peut-être à trouver dans les propres divisions du pays. Car si, pour la première fois dans ce siècle, les États-Unis n’ont plus de soldats engagés dans un conflit de grande ampleur, les affrontements politiques n’y ont jamais été aussi pugnaces. Dix-huit mois après la fin du mandat de Donald Trump et l’assaut du Capitole, les batailles culturelles sont encore vives, symbolisées par la remise en cause du droit à l’avortement par la Cour suprême. Et le débat sur les armes à feu a été relancé par le récent massacre dans l’école d’Uvalde, au Texas, qui a causé la mort de dix-neuf enfants et de deux enseignantes, et est surtout venu rappeler cette triste statistique : les armes à feu ont causé la mort de 45 000 personnes aux États-Unis l’an passé, et de plus de 1,6 million depuis 1968. Soit un total bien supérieur au nombre de soldats morts sous la bannière étoilée depuis le début de la guerre d’indépendance, en 1775.  

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