Selon Freud, la civilisation est née le jour où un homme a insulté son adversaire plutôt que de lui lancer une pierre. Que de chemin parcouru depuis lors ! L’humanité a su affiner la pierre et enrichir l’insulte.

L’outrage verbal s’est accompagné d’un projectile adéquat, puis d’une arme : aux silex taillés ont succédé couteaux, frondes, arcs et flèches, puis lances, haches, épées, arbalètes, bombardes, mousquetons, fusils à répétition…

On a assisté à des guerres en dentelles

Pour obtenir réparation d’un affront entre personnes civilisées, on a organisé des duels, selon des règles précises. Des lois de la guerre ont même été édictées quand l’offense, le désir de conquête ou de vengeance opposaient des clans, des factions ou des États. On a assisté à des guerres en dentelles dont les chefs, joliment habillés et très attachés aux convenances, échangeaient des politesses avant d’envoyer leurs hommes à la boucherie. La place manque ici pour décrire les mille et une sortes de conflits armés qu’a connues la planète. « Moi, mon colon, celle que j’préfère, c’est la guerre de quatorze-dix-huit », chantait Brassens. Les goûts et les couleurs ne se discutent pas. Chaque guerre a quelque chose pour plaire, reconnaissait le poète, « chacune a son petit mérite ».

Celles d’aujourd’hui ont besoin de se justifier par un adjectif. À défaut d’être sainte, la guerre est préventive, défensive ou propre, et toujours juste. La pierre ne subsiste plus qu’en Palestine, l’espace d’une intifada. Des projectiles bien plus efficaces peuvent être téléguidés à des centaines de kilomètres de distance. Il existe même des robots tueurs, capables de prendre des décisions sans intervention humaine. Mais ils sont interdits par le droit de la guerre, preuve que la civilisation fait encore des progrès. 

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