La natalité est un thème structurant de l’idéologie des partis de la droite radicale en Europe et ailleurs. Depuis 1974, tous les programmes présidentiels du Front national puis du RN ont mis en avant la défense de la natalité française. Dans son programme pour les européennes de 2024, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) présente des mesures politiques pour lutter contre la « catastrophe démographique des sociétés occidentales ». Viktor Orbán et son parti, le Fidesz, ont depuis des années relancé une politique nataliste en Hongrie, et Giorgia Meloni a placé la maternité au centre de sa politique en Italie. 

Notons que les discours et les projets de ces partis autour de la question du taux de natalité sont profondément identitaires. Ils expriment avant tout l’inquiétude concernant la continuité de la nation et la perpétuation d’une certaine civilisation. La majorité de ces partis présentent la natalité et la famille « traditionnelle » (fondée par une femme et un homme) comme le socle de la nation et de sa survie. Il est hors de question, pour eux, « de combler le déficit d’enfants avec l’immigration ». La crise démographique, qui se caractérise par une baisse de la fécondité et par un vieillissement de la population auxquels toutes les démocraties sont confrontées, donne un nouvel élan à ces discours et à ces politiques natalistes identitaires et influence leurs positionnements sur les droits reproductifs : annonce d’un plan anti-avortement d’une branche régionale du parti Vox en Espagne, ou volonté exprimée par l’AfD que l’avortement devienne une exception absolue, uniquement pour des raisons médicales ou criminologiques.

La droite radicale doit pourtant prendre en compte les changements de valeurs de son (nouvel) électorat, le potentiel « mobilisateur » de la question du droit à l’avortement et les positionnements de ses potentiels alliés politiques. Le cas des États-Unis illustre ces dynamiques contradictoires. Bien que le droit à l’avortement divise depuis longtemps partis et électeurs, il mobilise désormais massivement les jeunes et les femmes. Dans tous les États où l’avortement était un enjeu central des élections locales, les républicains ont subi des revers. Donald Trump a donc changé de positionnement en estimant qu’il revient à chaque État de décider de sa législation en la matière. En France, malgré une certaine ambiguïté, la majorité des élus du RN ont finalement été favorables à une constitutionnalisation du droit à l’avortement. Comme environ 80 % des Françaises et Français, et donc une partie importante de l’électorat RN. En avril 2024, lorsque le Parlement européen a adopté une nouvelle résolution appelant à inclure le droit à l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE, les élus RN étaient absents ou se sont abstenus.

En Italie, Giorgia Meloni ne semble pour l’instant pas vouloir remettre en question ce droit, malgré son positionnement conservateur, ses discours natalistes et les efforts de dissuasion de son gouvernement visant les femmes qui souhaitent avorter. Cette décision est peut-être à mettre en lien avec la situation en Pologne où les controverses autour du droit à l’IVG ont conduit à la plus grande vague de protestation nationale depuis la chute du communisme. La libéralisation du droit à l’avortement semble avoir été décisive lors des élections de 2023 pour la victoire, à plus de 53 %, des trois partis formant le nouveau gouvernement (la Plateforme civique, le parti la Troisième Voie et la Gauche). La participation électorale a été la plus élevée depuis 1919, et les jeunes générations de femmes, très politisées par la question de l’avortement, ont massivement voté pour la gauche. 

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