Connaissez-vous Léa Elui, Daniela Pinto, Nicolas Scuderi ou Jonathan Akamba ? Si ce n’est pas le cas, peut-être les adolescents de votre entourage pourront-ils vous renseigner. Adeptes de la danse du ventre ou des vidéos humoristiques, ces nouvelles stars cumulent des dizaines de millions d’abonnés sur TikTok. Et sont la pointe émergée d’un univers où les contenus potaches côtoient les influenceurs lifestyle, les tutos maquillage, les défis populaires ou les démonstrations de jeux vidéo. Une série infinie de clips de quelques dizaines de secondes dont la popularité dépasse largement le cercle initial des adolescents, puisque l’application se targue d’attirer désormais près de 15 millions d’utilisateurs par mois en France. À l’échelle mondiale, TikTok, lancé en 2017, a déjà grimpé au cinquième rang des plus grands réseaux sociaux avec 1,7 milliard d’usagers réguliers.

Ce succès fulgurant, nourri notamment par les confinements de 2020-2021, a eu tôt fait d’exciter les fantasmes sur ce réseau prisé des 13-24 ans, qui célébrerait la frivolité et les apparences, au prix de l’addiction et de la dépression. Mais on aurait tort de céder à une énième panique morale, qui viendrait confondre l’inconnu avec le danger, l’émergence d’une contre-culture et la menace d’un abrutissement généralisé. Plutôt que de le déplorer, mieux vaut sans doute se réjouir que les jeunesses du monde disposent d’un canal privilégié, où peuvent s’exprimer des blagues dérisoires comme de grands élans de créativité.

Quelle serait alors la puissance d’un réseau téléguidé par le Parti communiste chinois, alors que se profile dans moins d’un an une élection américaine à haut risque pour l’avenir de nos démocraties ?

Le vrai péril de TikTok, en réalité, est ailleurs, comme l’a montré la commission d’enquête du Sénat qui s’est penchée, au printemps dernier, sur la plateforme fondée à Pékin. Il tient davantage dans sa capacité à récolter massivement des données et à manipuler l’information, que ce soit par la censure ou, au contraire, la promotion de contenus favorables aux ambitions géopolitiques chinoises. Le monde avait pu constater il y a quelques années, avec le scandale Cambridge Analytica, combien il était aisé de peser sur un scrutin en manipulant quelques données récoltées via Facebook. Quelle serait alors la puissance d’un réseau téléguidé par le Parti communiste chinois, alors que se profile dans moins d’un an une élection américaine à haut risque pour l’avenir de nos démocraties ? Cela reste à démontrer. Mais les inquiétudes des capitales occidentales à ce sujet prouvent bien qu’elles n’entendent pas laisser Pékin mener la danse. 

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