TikTok a métamorphosé le paysage des réseaux sociaux en immergeant directement l’utilisateur dans un flux de courtes vidéos qu’il est possible d’enchaîner d’un simple glissement de pouce. À tel point que cette interface si caractéristique est désormais reprise par d’autres réseaux, comme Instagram ou YouTube. Car, au jeu de la captation de l’attention de l’utilisateur, nous n’avons jusqu’à présent rien trouvé de mieux. Et, sur ce terrain, TikTok a pris une avance considérable en étant le premier à s’engager résolument dans cette direction. Ce qui explique une partie de son succès.

Mais pour s’assurer que l’utilisateur reste le plus longtemps possible sur la plateforme, tout ne se joue pas sur l’interface ou le format des vidéos. Encore faut-il lui proposer des contenus qui seront de nature à le faire rester. C’est à ce niveau qu’intervient la recommandation algorithmique des contenus, fruit d’une recette que chaque réseau protège précieusement. Dans sa communication extérieure, TikTok, comme tous les réseaux, explique que sa recommandation algorithmique dans le flux « Pour toi » combine plusieurs paramètres gravitant autour des sujets d’intérêt que vous avez indiqués en vous inscrivant sur la plateforme, des personnes que vous suivez et de leur activité sur le réseau, des vidéos sur lesquelles vous vous êtes le plus engagé, etc. Pour être le plus pertinent possible, le réseau va aussi devoir osciller entre des sphères qui vous sont familières et celles pour lesquelles il est assez raisonnable de penser que vous aurez un intérêt en fonction de votre parcours, mais aussi de l’ensemble des données personnelles que vous pouvez communiquer à la plateforme. À ce titre sont exploitées par le réseau social de nombreuses données relevant de vos usages de la plateforme elle-même, de votre géolocalisation, mais également de votre navigation en ligne en dehors de l’application. C’est un fait commun à toutes les plateformes que d’utiliser une série d’informations qui lui sont transmises par d’autres sites, en particulier des sites marchands.

Dans le monde de l’économie de l’attention, où l’attention de l’utilisateur est exposée à des annonceurs, tout est bon à prendre pour maintenir celui-ci sur la plateforme.

Dans le monde de l’économie de l’attention, où l’attention de l’utilisateur est exposée à des annonceurs, tout est bon à prendre pour maintenir celui-ci sur la plateforme. Malheureusement, c’est là que le bien-être de l’utilisateur peut entrer en contradiction avec l’intérêt de la plateforme, qui est finalement celui d’une entreprise privée. Gagner de l’argent ne se fait pas nécessairement en prenant soin des personnes, c’est même parfois le contraire. Le cas emblématique des dérives que l’on a pu observer sur TikTok est celui mis en avant par le Center for Countering Digital Hate, pour qui TikTok montrerait plus de contenus de type « pro-anorexie » à des personnes mineures qui se présentent au réseau précisément comme étant potentiellement sujettes à ce type de troubles qu’aux autres utilisateurs. En l’état, ces recherches ne peuvent être menées que depuis l’extérieur du réseau, à partir de faux profils. Et leurs résultats sont naturellement contestés.

Pour les rendre indiscutables, le règlement européen sur les services numériques permettra à des organes de recherche agréés d’avoir accès à des informations jusqu’à présent inaccessibles et touchant au cœur des réseaux sociaux, dont les algorithmes de recommandation. Ainsi, nous pourrons savoir, de manière bien plus précise, comment fonctionne l’algorithme de TikTok et nous pourrons en tirer les conclusions et surtout les obligations qui s’imposent. Et peut-être alors nos nuits, si peu ensommeillées désormais, pourront retrouver un peu de leur obscurité.

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