« L’étranger » de Baudelaire paraît quatre-vingts ans avant le roman de Camus. S’il y a eu emprunt, expliqua le romancier au sujet du titre, « il était inconscient et de réminiscence ». L’écrivain partage avec le poète-dandy une même sensation d’exil, la même attention aux misérables. Mais sa révolte sera autre, par-delà le piège de la solitude. 

– Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta sœur ou ton frère ?
– Je n’ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère.
– Tes amis ?
– Vous vous servez là d’une parole dont le sens m’est resté jusqu’à ce jour inconnu.
– Ta patrie ?
– J’ignore sous quelle latitude elle est située.
– La beauté ?
– Je l’aimerais volontiers, déesse et immortelle.
– L’or ?
– Je le hais comme vous haïssez Dieu.
– Eh ! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
– J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… là-bas… les merveilleux nuages ! 

Paru pour la première fois dans La Presse, le 26 août 1862, et repris dans Le Spleen de Paris, en 1869.

 

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