Valérie Trierweiler s’est employée vainement à nous persuader que son ex-compagnon, François Hollande, méprisait les pauvres. Elle aura toutefois enrichi notre vocabulaire en parlant des « sans-dents ». Jusqu’à présent, on disait pudiquement les démunis ou les personnes défavorisées. La préposition « sans », pour exprimer le manque, ne s’aventurait pas dans le visage des indigents : c’était des gens sans ressources, des sans-logis, des sans-abri… 

À peine Valérie Trierweiler avait-elle publié son brûlot qu’un opticien s’emparait de l’expression pour la détourner à des fins publicitaires. « En France, il y a aussi les sans-lunettes », proclamait ce marchand au grand cœur, qui proposait d’équiper myopes, presbytes ou astigmates « dès 29 euros ». Un autre philanthrope s’était précipité pour déposer la marque « les sans-dents » qu’il destinait également à une exploitation commerciale. Cela avait été refusé par l’Institut national de la propriété industrielle, car cette référence à des propos polémiques prêtés au président de la République était « contraire à l’ordre public ».

À l’ordre public ou à la simple décence ? Dans Les Misérables, il y a un passage terrible. Celui où Fantine apprend que sa petite Cosette est mourante. Elle n’a pas de quoi payer les médicaments qui pourraient la sauver. Alors, pour quarante francs, cette mère célibataire, belle comme un cœur, se résigne à vendre à un arracheur de dents les perles qui éclairent son sourire… Les marchands de soupe devraient relire Victor Hugo. 

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