La rue et ses nouveaux visages
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Ils « maraudent » depuis vingt-trois ans dans les rues de Paris. Chaque nuit, les cinq cents salariés du Samu social tentent de relever le même défi : trouver un hébergement à ceux qui n’en ont pas. Face au nombre croissant de sans-abri et à la diversification progressive des profils, ce dispositif de service public créé en 1993 a été contraint d’adapter ses missions. Depuis deux mois, il coordonne les maraudes sur l’ensemble de la capitale.
En désignant un coordinateur unique pour la ville, l’objectif est d’éviter que les associations ne se marchent dessus. Le président Éric Pliez soutient cette vision plus globale qui permet d’assurer une couverture sociale plus régulière des grands exclus. « Il a fallu du temps pour que les associations fassent confiance au Samu social », explique celui qui est aussi le directeur de l’association Aurore. Groupement d’intérêt public, le Samu social répond à la mission que lui assignent l’État et la Ville de Paris.
À l’origine, celle-ci est triple : prendre en charge les SDF à l’occasion de maraudes quotidiennes, répondre à ceux qui appellent le 115, le numéro vert des sans-abri, et assurer la gestion des « lits halte soins santé » (LHSS). Au fil du temps, cette mission a évolué. « Il a fallu nous adapter aux besoins des nouveaux arrivants. Avant, c’était surtout des hommes seuls mais depuis dix ans, on reçoit beaucoup de familles. »
Environ 10 000 familles, soit quelque 32 000 personnes, sont désormais prises en charge chaque soir à Paris et en Île-de-France. Longtemps venues d’Afrique subsaharienne, elles arrivent désormais de pays d’Europe de l’Est comme la Géorgie et la Tchétchénie. Et contrairement aux familles africaines, ces dernières ne bénéficient pas du réseau de solidarité qui s’est tissé progressivement dans la capitale entre les anciens et les nouveaux arrivants. Appeler le 115 est leur premier réflexe. « On aide à scolariser les enfants et on tente d’apporter un soutien psychologique aux mères célibataires qui sont très nombreuses », raconte Éric Pliez. Parmi les femmes immigrées prises en charge par le Samu social, 30 % ont été victimes de maltraitance dans leur pays d’origine.
La rue est également devenue une fatalité pour nombre de « travailleurs pauvres ». 25 % des individus aidés par le Samu social ont un emploi. Parmi les dossiers du 115, un millier de travailleurs sont aujourd’hui éligibles en priorité au droit au logement opposable. L’enjeu est d’accélérer le processus de relogement de ces personnes afin de libérer des places.
La durée moyenne d’un séjour en centre d’hébergement d’urgence varie entre un et huit mois et n’est pas censée excéder un mois dans les hôtels, selon les objectifs du Samu social. Dans les faits, pourtant, les sans-abri ne parviennent pas à retrouver un logement durable aussi rapidement. L’arrivée de nombreux réfugiés depuis un an et demi fait craindre à Éric Pliez des complications à l’approche de l’hiver : « On tient pour le moment, mais l’engorgement n’est pas loin. »
Installés pour la plupart sous la ligne du métro aérien, près des stations Stalingrad et Jaurès, ces nouveaux visages de la rue sont afghans, soudanais et érythréens. « Il nous arrive de travailler avec des traducteurs, précise Éric Pliez, mais on essaie surtout d’avoir des intervenants arabophones qui comprennent leur culture. » Le Samu social s’efforce de personnaliser les solutions en fonction de l’histoire de chacun malgré l’urgence et le grand nombre de personnes dans le besoin. « On ne proposera pas le même parcours à un réfugié syrien qui faisait partie de la classe moyenne dans son pays et à une famille rom établie à Paris depuis longtemps. Il faut envisager des projets différents. »
Effectuer des bilans de santé après les évacuations de camps, aider les migrants à apprendre le français et à effectuer les démarches administratives de demande d’asile est devenu, de fait, une part de la mission du Samu social. Pour Éric Pliez, il est clair que « le métier du travailleur social est voué à évoluer ». Le principe du Samu social était à l’origine l’accueil inconditionnel des sans-abri. Ses équipes ont récemment été contraintes de mettre fin au suivi de quelques migrants qui refusaient d’effectuer les démarches administratives nécessaires à la demande d’asile. MANON PAULIC
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