« Peut-être », par Michel Pastoureau
L'historien aime cet adverbe qui vient, selon lui, nuancer l'expression de la pensée et amener une note d'espérance. Adolescent, il avait fait sienne cette devise : « Fortasse cras », « Demain peut-être ».
Je me souviens qu’au lycée, on avait dû voter pour le mot le plus beau de la langue française. J’avais choisi « évanescence », que je trouvais magnifique. Je devais être dans ma période poétique.
Mais aujourd’hui, je souhaitais parler de « peut-être ». J’aime les adverbes et les adjectifs, qui en général sont dénigrés. Je trouve qu’ils apportent de la nuance et qu’ils aident à lutter contre la simplification de l’expression de la pensée et de la langue. On le voit dans l’expression d’opinions, politiques ou non : les certitudes remplacent le doute, et cela me semble très dangereux. Cela conduit à se battre. J’ai l’impression que sur un problème un peu complexe, il faut peser tous les arguments, introduire du « peut-être ». Du point de vue idéologique et politique, j’ai toujours pensé qu’un homme ou une femme normalement constitué pense plutôt comme ci par rapport à certains problèmes, mais plutôt comme cela pour d’autres, un peu progressiste par-ci, conservateur par-là. On a l’impression que les gens ne raisonnent plus comme cela et qu’ils ne lisent plus des journaux avec lesquels ils ne sont pas d’accord. Autrefois, c’était le B.A-BA, pour se rendre comp…