Quotidienne

« Galaxie », par Françoise Combes

Lou Héliot, journaliste

Françoise Combes, astrophysicienne

Pour l’astrophysicienne professeure au Collège de France, c’est une discipline fascinante et changeante. L’astronomie devrait se nourrir de nouvelles informations sur les galaxies les plus lointaines et sur leurs origines, grâce aux récentes images prises par le télescope James-Webb.

« Galaxie », par Françoise Combes
© Frédérique PLAS / LERMA / CNRS Photothèque

Les galaxies, c’est ce qui nous concerne tous. C’est l’histoire de notre origine depuis le Big Bang, c’est la formation des étoiles et des planètes. Mais c’est aussi, étonnamment, un concept très récent, à propos duquel il reste énormément à découvrir. En effet, on ne connaît les galaxies que depuis un siècle. Avant cela, on pensait qu’il n’y avait qu’un univers, la Voie lactée, cette « route » blanche que l’on peut voir dans le ciel, et qui aurait contenu toutes les étoiles de l’univers. Jusqu’aux travaux d’une astronome américaine, Henrietta Leavitt, qui fait une découverte cruciale dans les années 1920.

Rappelons d’abord qu’en astronomie, la grande inconnue, c’est la distance. On ne sait pas où sont placées les étoiles, à quelles distances elles se situent les unes des autres. Or, Henrietta Leavitt a trouvé un moyen d’estimer la distance entre différents objets spatiaux en observant les variations de luminosité de certaines étoiles. En les comparant, on a donc enfin pu obtenir un indicateur de distance. Les étoiles que nous pensions voisines étaient en fait extrêmement loin. Les nébuleuses, que l’on croyait être de simples nuages de gaz dans notre galaxie, se sont avérées être des mondes à part entière, à des distances jusqu’alors inimaginables. C’est grâce à ces travaux que Edwin Hubble a par exemple pu observer que la nébuleuse d’Andromède était à 2 millions d’années-lumière de nous, et non pas dans la Voie lactée comme on le pensait. À partir de ce moment, c’est toute notre perception qui a changé.

La nébuleuse de la Carène – image du télescope James-Webb.
© Nasa/AFP/Handout

Récemment, nous avons pu voir de nouvelles photos de l’espace prises par le télescope James-Webb. Grâce à elles, nous allons pouvoir obtenir de nouvelles informations sur les galaxies les plus lointaines et sur leurs origines. Il faut en effet préciser que lorsqu’on observe ces galaxies, en réalité, nous remontons dans le temps. Pourquoi ? Parce que le messager qu’est la lumière ne se déplace pas à une vitesse infinie. Les images que nous obtenons de galaxies situées à dix milliards d’années-lumière nous montrent donc ces galaxies telles qu’elles étaient il y a dix milliards d’années ! On les voit dans leur jeunesse ! On remonte réellement dans le temps. Et grâce à ces images, on va pouvoir en savoir plus sur la manière dont les premières galaxies se sont formées.

On sait qu’il y a un grand nombre de planètes à l’intérieur et à l’extérieur de notre galaxie qui sont habitables, avec de l’eau et de l’oxygène

Bien sûr, il reste encore énormément d’inconnues. Plus on découvre de choses, plus les mystères s’épaississent ! Il y a notamment deux grandes questions qui vont occuper les astronomes dans les décennies à venir. La première, c’est celle de la matière noire. En observant les galaxies, on s’est rendu compte non seulement qu’elles tournaient sur elles-mêmes, mais qu’elles tournaient beaucoup plus vite que leur masse visible ne devrait le permettre. C’est-à-dire qu’il y a là une autre matière, une matière invisible dont on ignore tout, qui fait tourner les galaxies plus vite, et qui est beaucoup plus importante que la matière visible. C’est ce que l’on a appelé la ‘matière noire’. Deuxième grande question, celle de ‘l’énergie noire ‘. Il y a une vingtaine d’années, on a découvert un nouveau composant dans l’univers, qui en représente environ 70 %. C’est un composant qui semble accélérer l’expansion de l’univers, qui a une sorte d’effet répulsif sur les galaxies, contrairement à l’effet attractif de la gravité. On l’a appelé ‘énergie noire ‘ et on ne sait absolument rien sur elle…

L’astronomie nous pousse à l’humilité

C’est cela qui est fascinant avec l’astronomie. C’est une discipline qui évolue vraiment sous nos yeux. Quand j’ai débuté ma carrière il y a une quarantaine d’années, on ne savait que très peu de choses. Mes premiers calculs portaient sur la possibilité d’un univers symétrique entre matière et antimatière, avec des galaxies et des anti-galaxies – une thèse qui a été depuis lors réfutée. Il existe en effet dès le départ un petit excès de matière sur l’antimatière, de l’ordre d’un milliardième. Aujourd’hui, on en sait beaucoup plus : on sait que nous ne sommes pas seuls dans l’univers, on sait qu’il y a un grand nombre de planètes à l’intérieur et à l’extérieur de notre galaxie qui sont habitables, avec de l’eau et de l’oxygène… Et on sait que nous sommes vraiment tout petits dans l’univers. L’astronomie nous force à l’humilité.

Par ailleurs, c’est une science très ouverte. L’importance des maths et de la physique peut faire peur à certains, mais il existe en vérité toutes sortes de métiers qui sont liés à l’astrophysique et à l’astronomie : il y a toute une dimension technique, dans la construction du matériel de pointe, il y a un aspect observationnel, différents degrés de complexité… Vraiment, tout le monde peut y trouver sa place !

 

Conversation avec LOU HÉLIOT

 

Bio express

Françoise Combes est astrophysicienne. Elle est titulaire de la chaire Galaxies et Cosmologie au Collège de France, et obtient la Médaille d’or du CNRS en 2020. Ses travaux portent sur la formation des galaxies et la matière noire. Elle est l’auteur de plusieurs ouvrages comme Trous noirs et quasars (CNRS éditions, 2021) Le Big Bang (Que-sais-je, PUF, 2019) et La Matière noire, clé de l’Univers (Vuibert, 2015).

01 août 2022
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