« Ascension », par Étienne Klein
Le philosophe des sciences a choisi de « prendre le contrepied d’une certaine musique ambiante, qui pactise trop avec l’idée de descente ».

J’ai choisi de parler du mot « ascension » pour prendre le contrepied d’une certaine musique ambiante, qui pactise trop avec l’idée de descente.
Pour cela, faisons un détour par le mot « progrès ». Longtemps doté d’une majuscule perdue après la Seconde Guerre mondiale, il a fini par disparaître des discours publics. Le sociologue Gérald Bronner a pu établir, mesures à l’appui, que sa chute progressive s’était amorcée dans les années 1980, lorsqu’il s’est trouvé concurrencé par un mot très ancien, réapparu à ce moment-là et désormais dominant : « innovation ». On pourrait penser que ce remplacement n’a au fond rien changé, au motif que ces deux mots seraient quasiment synonymes. Mais à l’examen, il apparaît que nos discours sur l’innovation se détournent radicalement de la rhétorique du progrès.
Croire au progrès, c’était faire l’effort de configurer le futur à l’avance d’une façon à la fois crédible et attractive
L’idée de progrès s’appuyait sur l’idée d’un temps constructeur, complice de notre liberté et de notre volonté. Croire au progrès, c’était faire l’effort de configurer le futu…