François Morel : « L’été, les idées peuvent venir sans pression »
[Une semaine aux Francos 5/7] Humoriste, comédien, chroniqueur radio… Il mettra sa casquette de chanteur, ce samedi aux Francofolies de La Rochelle et nous raconte ce que représente la période estivale pour lui, de ses souvenirs d’enfance à son coin favori pour décompresser.
L’été pour vous, c’est plutôt : création ou mode avion ?
Plutôt la deuxième option. Oui, plutôt être tranquille et ne rien faire. Mais parfois, dans ce cadre-là, les idées peuvent venir, sans pression, et c’est plutôt agréable.
C’est parfois compliqué de couper complètement. L’an dernier, j’ai eu une proposition d’un film de Noémie Lvovsky [La Grande Magie] ; le scénario était tellement beau que je me suis dit que j’allais quand même travailler un peu. Mais il faut vraiment que ce soit quelque chose d’exceptionnel pour que j’accepte de renoncer à mes vacances, parce que je travaille beaucoup dans l’année, et c’est bien de s’arrêter de temps en temps. Après les Francos, le 16 juillet, normalement je ne fais plus rien jusqu’à début septembre. J’espère que cette année, mes vacances dureront un peu plus d’un mois, parce que j’aime bien ramasser des mûres à la fin du mois d’août pour faire des confitures…
Qu’allez-vous présenter aux Francos ?
Yolande [Moreau] sera avec moi pour chanter deux chansons de Brassens, et puis j’ai fait déjà quelques disques, donc je commence à avoir mon petit répertoire. (1)
Repartons dans l’été en tant que tel. Quel souvenir d’enfance associez-vous à vos vacances ?
En 1965, mes parents ont loué une maison à Crozon. J’avais six ans. Mes parents n’avaient pas l’habitude de partir en vacances. Mon père était employé à la SNCF, il aimait bien la mer, mais en général, pendant les vacances, il faisait son jardin et de temps en temps, il décidait d’aller au Mont-Saint-Michel ou sur les plages de Luc-sur-Mer ou Port-en-Bessin. On y passait juste la journée. Et en 65, il avait loué une maison à Crozon. Autant vous dire que j’étais très fier. Et patatras ! Ma tante Marthe est morte au mois de juin. J’étais triste, mais je me suis dit : pourvu qu’elle ne nous empêche pas de partir en vacances à Crozon ! Mais finalement, la mort de Marthe, qui était une vieille dame, ne nous a pas empêchés de partir.
« Pouvoir partir en vacances à l'étranger, ça me faisait rêver »
Je me souviens aussi d’un moment où j’ai dû vexer mes parents. On était parti en voiture avec la 4 L. Je voyais la lettre F à l’arrière de certaines voitures, ce qui voulait dire qu’elles étaient déjà allées à l’étranger. Moi, ça me faisait rêver et je l’avais dit à mes parents. C’est un souvenir de remord que j’ai gardé longtemps. À l’époque, dans les années 1960, peu de gens partaient à l’étranger dans le milieu dont je faisais partie.
En temps normal, mis à part ces vacances exceptionnelles, que faisiez-vous ?
Je faisais des camps de vacances avec la paroisse. On faisait du camping, j’adorais ça. Ça fait pas mal d’années que j’ai renoncé au camping, quand j’y pense. Je me suis embourgeoisé !
Un lieu en particulier qui vous évoque l’été ?
J’aime bien aller dans le golfe du Morbihan. Pour moi, c’est ça les vacances, en ce moment. Parce que c’est tranquille. Je peux me poser et recevoir aussi des copains. On se balade, on fait du canoë-kayak, on va se baigner, on discute…
« Quand je ne suis pas dans mon travail, je suis un mec lambda ! »
Vous ne vous faites pas trop arrêter dans la rue par des fans ?
Non, les gens sont gentils et discrets. Ils voient bien que je n’ai aucun intérêt. Quand je ne suis pas dans mon travail, je suis un mec lambda ! C’est marrant, parce que Brassens avait une maison à Lézardrieux, dans les Côtes-d’Armor. Il aimait bien y aller parce que personne ne l’embêtait. Les gens savaient qui il était, le saluaient, mais pas plus.
Quel objet en particulier vous rappelle l’été ?
Le kayak de mer, que je mets sur l’eau dès que c’est possible et qu’il n’y a pas trop de vent. Je ne suis pas un sportif émérite, mais j’aime bien ça, la douceur et le calme. J’aime bien aller à Ilur, une petite île dans le golfe du Morbihan.
Une musique ou une chanson, vous qui chantez ?
Laurent Voulzy, qui chante « Quand vient la fin de l’été, sur la plage... » [il chantonne]. C’est trop joli, j’adore. Un été, je la mettais 50 fois par jour, ce qui pouvait crisper les gens autour de moi. Je peux être un peu obsessionnel parfois.
Vous l’avez reprise sur scène ?
Non, parce que je pense que c’est plus joli par lui que ça ne le serait par moi. C’est bien de connaître ses limites !
Un film qui vous évoque l’été ?
Je me souviens avoir vu Raging Bull, de Scorsese, dans un petit cinéma tout blanc sur la côte vendéenne, je crois, et c’est un super bon souvenir. Je ne savais pas ce que j’allais voir, mais le film m’a embarqué, je n’avais pas prévu de voir un chef-d’œuvre de ce niveau-là. J’avais une vingtaine d’années.
Quel livre aimeriez-vous emporter cet été ?
En ce moment, je lis un bouquin de Philibert Humm, qui me fait énormément rire. J’aime beaucoup l’écriture de ce garçon-là. C’est une espèce de hussard contemporain. Je me disais que je lirais bien aussi un grand roman, du genre de Notre-Dame de Paris, que je n’ai jamais lu. Contrairement à Houellebecq, qui ne l’aime pas, j’adore Victor Hugo.
Quelles sont vos habitudes, l’été, par rapport à la presse, à l’information ? Est-ce que vous coupez totalement ?
Non, je vais acheter le journal tous les matins. J’achète Le Monde, souvent. J’aime bien faire des mots croisés de Philippe Dupuis. Je vais au bar de la Marine, ils me gardent un exemplaire tous les jours. Quand je suis en voyage, j’aime bien acheter le journal papier. Sinon, quand je suis chez moi, je le lis sur le téléphone, je suis abonné.
Est-ce que vous vous souvenez de la dernière carte postale que vous avez envoyée ?
C’était à ma prof de chant, Raymonde Viret. C’est une carte postale qu’on a écrite à deux, avec un copain musicien et comédien, Romain Lemire, depuis Montauban où on était en tournée. On est tous les deux ses élèves. J’écris des cartes de temps en temps, c’est juste une façon d’envoyer une petite pensée amicale à des gens à qui ça peut faire plaisir.
Vous essayez à chaque fois de trouver un bon mot ? Je n’imagine pas une carte postale de François Morel disant « Il fait beau. Bisous ».
Oh, si, c’est possible ! Des fois, je ne fais pas de frais. Juste dire à une personne qu’on pense à elle, c’est pas mal. On n’est pas obligé de faire le malin tout le temps. Je trouve que je fais suffisamment le malin comme ça !
(1) Samedi 16 juillet, 14 h 30, La Coursive – Grand Théâtre, 30 euros
Conversation avec MARIE DESHAYES