Quotidienne

« Va-t-il devenir courant de manger des méduses ? »

Marie Deshayes, journaliste

Tous les jeudis, le 1 sélectionne l’une de vos questions. Cette semaine, nous répondons à Julien, 15 ans, qui nous demande s'il devriendra habituel de consommer ces animaux urticants et gélatineux dans un futur proche.

« Va-t-il devenir courant de manger des méduses ? »

« Va-t-il devenir courant de manger des méduses ? »

Julien, 15 ans, Marseille

 

La réponse d’Alexandre Meinesz, auteur de Protéger la biodiversité marine (Odile Jacob, 2021), professeur émérite à l’université Côte-d’Azur :

 

On mange déjà certaines espèces de méduses dans le Sud-Est asiatique. J’y ai goûté : ça a une consistance et un goût de crevette très agréables. Il s’agit de méduses de taille importante – la taille d’une grosse assiette – que l’on fait sécher. Cela ressemble à une sorte de crêpe, que l’on découpe en lanières, comme des tagliatelles. La partie urticante des méduses disparaît à la chaleur : dès qu’on les cuit, il n'y a plus de problème.

Mais toutes les méduses ne se mangeront pas. Comme elles sont essentiellement constituées d’eau, il en reste peu après séchage, donc il faut qu’elles soient de volume et de taille consistants. Pour instaurer une consommation à grande échelle de méduses, il faudrait également choisir des espèces présentes de manière régulière et importante.

En mer de Chine, on trouve de plus en plus de grosses méduses, parfois jusqu'à un mètre de diamètre

Sur les côtes de la mer de Chine, il y a peut-être un intérêt à prélever les méduses parce que leur production est continue. On s’est aperçu que dans cette zone, il y a de plus en plus de grosses méduses, qui mesurent parfois jusqu’à un mètre de diamètre et pèsent plusieurs dizaines de kilos ; leur nombre a augmenté considérablement ces cinquante dernières années. Leurs larves se fixent sur un rocher. À partir de cette larve, qu’on appelle un polype, la méduse est libérée. Or, sur les côtes de la Chine, des digues et des enrochements ont été construits sur des milliers de kilomètres. Plus il y a de roches dans l’eau, plus il y a de polypes et de méduses. C’est donc une conséquence de l’action de l’homme. Ces méduses, de plus, créent des problèmes aux pêcheurs parce qu’elles colmatent les filets, qui deviennent très lourds. Les poissons, surtout les juvéniles, se font piéger par ces énormes bestioles. Et puis, quand ils sont pris dans un filet, ils sont piqués par les tentacules des méduses qui ont été piégées elles aussi, ils sont brûlés et ne sont plus tellement commercialisables. Cela a donc un impact et pour la pêche et pour les poissons.

La tendance à la prolifération des méduses n’est pas évidente

La situation est différente en Méditerranée. Les méduses que l’on y rencontre actuellement appartiennent à l’espèce Pelagia, qui se reproduit en pleine eau sans passer par un stade de polype fixé sur une roche. Pour ces méduses aussi, on trouve des initiatives locales pour les attraper et les manger. Cela dit, on n’en trouve pas tout le temps : certaines années elles sont très nombreuses, surtout l’été, et d’autres beaucoup moins. Il semblerait que ce soit lié avec les cycles d’explosions solaires, qui durent une dizaine d’années. Les radiations solaires agissent sur la photosynthèse de certaines espèces du phytoplancton. Certaines années, la nourriture est donc abondante, d’autres années moins. La présence de méduses est donc imprévisible : ce n’est pas une pêche sur laquelle on peut compter.

La tendance à la prolifération des méduses n’est pas évidente ; c’est ce que l’on pense aujourd’hui parce qu’actuellement nous sommes dans une période où il y en a beaucoup. Mais si l’on consulte les cahiers de surveillance du plancton des Russes blancs qui ont créé la station zoologique de Villefranche-sur-Mer [près de Nice] avant la Première Guerre, on remarque qu’ils avaient noté également des explosions de Pelagia à cette époque. Il n’est donc pas certain qu’il devienne habituel de manger des méduses, à l'avenir !

 

Conversation avec MARIE DESHAYES

Illustration JOCHEN GERNER

 


 

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07 juillet 2022
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