Quotidienne

« L’e-sport est-il l’avenir du jeu vidéo et du sport ? »

Emma Flacard, journaliste

Nicolas Besombes, chercheur

Tous les jeudis, le 1 sélectionne l’une de vos questions pour y répondre à l’aide de spécialistes. Cette semaine, interrogeons-nous sur la pratique du e-sport.

« L’e-sport est-il l’avenir du jeu vidéo et du sport ? »

« L’e-sport est-il l’avenir du jeu vidéo ? Et du sport ? »

Mathéo, 15 ans, Marseille (13)
 

La réponse de Nicolas Besombes, enseignant-chercheur en Staps à l’université Paris-Cité : 

 

L’e-sport consiste en l’affrontement de joueurs lors de compétitions organisées et réglementées de jeux vidéo. Ces affrontements incluent tous types de jeux (jeux de combat, de stratégie, de carte, sport…) et tous types de supports (ordinateur portable, console, mobile, tablette, réalité virtuelle…). Il peut y avoir des spectateurs et des téléspectateurs, également appelés « viewers », et les joueurs peuvent être amateurs ou professionnels. En France, les jeux les plus populaires sont les jeux de tir : Counter-Strike, League of Legends… 

La pratique du e-sport a émergé dès les années 1970 en Amérique du Nord, mais il faut attendre la fin des années 1990 pour la voir arriver en France. Depuis 2010, avec l’émergence des plateformes de streaming comme YouTube, Twitch et Dailymotion, cette pratique s’est démocratisée. C’est toutefois seulement en 2016, grâce à la loi pour une République numérique, que les compétitions de jeux vidéo sont officiellement devenues légales en France, et que les joueurs professionnels accèdent à un véritable statut. Une stratégie nationale, coordonnée par le ministère des Sports et celui de l’Économie, de valorisation sociale et économique de la filière a été mise en œuvre. Aujourd’hui, 9,4 millions de personnes s’intéressent à l’e-sport (le regardent ou le pratiquent). C’est une industrie en croissance.  

L’outil de travail, lorsque l’on est e-sportif professionnel, c’est le corps

En 2019, le marché français de l’e-sport représentait 50 millions d’euros. Dans le monde entier, les sponsors se multiplient : Coca-Cola devient, en 2012, partenaire des championnats du monde de League of Legends, Nike fournit des tenues aux joueurs professionnels du même jeu, Direct Assurance est partenaire, depuis septembre 2021, du club de e-sport français Karmine Corp…

Des écoles forment également aux métiers périphériques du secteur : des préparateurs physiques, des préparateurs mentaux, des dirigeants de club, des organisateurs de compétitions… Les préparateurs physiques et mentaux sont en effet essentiels à la pratique professionnelle du e-sport. L’outil de travail, lorsque l’on est e-sportif professionnel, c’est le corps, c’est ce qui permet de prendre l’ascendant sur les autres joueurs. Le haut du corps est en effet très sollicité : les avant-bras, les doigts…

Cela pourrait être comparé aux musiciens professionnels : un pianiste, par exemple, doit bénéficier d’une préparation physique pour s’assurer de ne pas se blesser dans son activité, parce que son corps constitue son outil de travail. Pour les compétiteurs de e-sport, c’est la même chose. Les enjeux économiques sont également bien plus importants que les joueurs, et les pressions psychologiques sont nombreuses. 

L’e-sport correspond à une « sportivisation » du jeu vidéo

Des réflexions ont été entamées par le Comité olympique à l’égard des sports virtuels, mais pas du e-sport. Cette stratégie se focalise principalement sur des jeux qui simulent des sports existants et qui engagent, si possible, la pratique physique : le vélo connecté, l’aviron connecté… Il s’agit davantage d’une digitalisation du sport que de e-sport, qui correspond à une « sportivisation » du jeu vidéo. En revanche, le CIO, par l’intermédiaire d’un de leurs sponsors, Intel, a organisé, en amont des Jeux olympiques de Pyeongchang, Tokyo et Beijing, des événements sur des titres e-sportifs majeurs : StarCraft II, Street Fighter, Rocket League, Dota 2. Il s’agissait là de vraies compétitions e-sportives, aux couleurs olympiques, mais qui ne faisaient pas partie du programme sportif des Jeux olympiques. Ces initiatives contribuent à rendre plus légitime la communauté de joueurs de e-sport. 

Le e-sport représente donc davantage l’un des avenirs du jeu vidéo – même s’il demeure confidentiel – que l’avenir du sport. Les pratiques e-sportives et sportives sont d’ailleurs souvent complémentaires : la plupart des joueurs de e-sport ont une licence dans un club de sport. Le e-sport est avant tout un loisir, qui peut devenir un métier pour certains, mais qui reste complémentaire à toutes les autres pratiques culturelles et sportives. 

 

Conversation avec EMMA FLACARD

Illustration LAURENT BAZART

 


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23 juin 2022
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