« Mérite », par Marie Duru-Bellat
Si la méritocratie est mise en avant dans nos sociétés libérales, c’est avant tout pour justifier les inégalités, alerte la sociologue, spécialiste de l’éducation et de l’enseignement supérieur. Inégalités que ne peut pas effacer l’école à elle seule.
Le mérite est un concept intéressant : c’est le mot préféré des politiques depuis quelques années, à la mode dans les pays occidentaux libéraux, et aussi un objet de recherche très travaillé.
Après la Révolution française, au moment de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, l’idée de mérite se définit plutôt comme « l’utilité commune », c’est-à-dire l’apport de chacun à la société. Répartir les places sur cette base, c’est la méritocratie. On prend ainsi le contrepied de l’aristocratie, qui gère la répartition des places sur la base de la famille d'origine.
Aujourd’hui, le mérite s’entend dans un sens avant tout scolaire. Comme on ne sait pas très bien ce que ce mérite doit signifier, on confie cette tâche à l’école qui en déploie une définition propre. Elle est responsable de la transformation de la diversité des enfants en jeunes plus ou moins méritants, qui vont ensuite occuper telle ou telle position sociale. Mais le paradoxe, c’est qu’on ne sait pas vraiment mesurer le mérite ! Et les enseignants le sentent bien quand ils ont à évaluer les élèves.
« L’idée que la compétition au travail rend les travailleurs plus eff…