Quotidienne

Avortement aux États-Unis : « Cette remise en cause va extrêmement loin »

Manon Paulic, journaliste

Françoise Coste, historienne

La Cour suprême pourrait supprimer le caractère national du droit à l’avortement, qui deviendrait un droit dépendant de chaque État. L’historienne Françoise Coste retrace comment cette décision a pu émerger aujourd’hui.

Avortement aux États-Unis : « Cette remise en cause va extrêmement loin »

Pourquoi la question de l’avortement est-elle depuis longtemps controversée aux États-Unis ?

En réalité, au départ, elle ne l’est pas. Quand la Cour suprême déclare le droit à l’avortement constitutionnel en 1973, le sujet est relativement consensuel. Les États-Unis sortent de quinze ans de grands mouvements pour le droit des femmes et le féminisme a le vent en poupe. De grandes victoires viennent d’être remportées, comme la loi sur l’égalité salariale ou la loi sur la non-discrimination sexuelle.

En 1965, la Cour suprême a légalisé la contraception. On est dans une idée de progrès féministe continu et le droit à l’avortement est la suite logique. Pour les féministes de l’époque, pour acquérir l’égalité économique, politique, scolaire entre les hommes et les femmes, il faut que les femmes soient autonomes et souveraines sur leur corps, qu’elles aient la maîtrise de leurs organes reproductifs, et donc le droit d’avorter. L’arrêt Roe v. Wade répond à cette attente.

En 1965, « on est dans une idée de progrès féministe continu et le droit à l’avortement est la suite logique »

C’est d’ailleurs assez surprenant, quand on y pense au vu d’aujourd’hui. En 1973, les neuf juges à la Cour suprême sont des hommes et sur la totalité, sept se sont prononcés en faveur de la légalisation. C’était une majorité très confortable. Le droit à l’avortement n’est pas passé de justesse. Sur ces sept juges, plusieurs avaient été nommés par des présidents républicains comme Eisenhower ou Nixon. Cela montre qu’il n’y avait pas de dimension problématique ou scandaleuse. À l’époque, personne n’avait conscience que Roe v. Wade allait provoquer une crise politique.  

Pourquoi la remise en cause de Roe v. Wade a-t-elle lieu précisément aujourd’hui ?

Bien que la légalisation de l’avortement ait été très consensuelle, une minuscule part de l’opinion publique, très peu médiatique, s’y est immédiatement opposé : l’Église catholique. C’est elle qui, la première, condamne l’arrêt Roe v. Wade. Elle suit le dogme catholique mondial. À la fin des années 1960, le pape publie plusieurs encycliques contre la contraception et l’avortement. Alors qu’en Europe, cette prise de posi

11 mai 2022
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