Quotidienne

Premier Mai : de l’amour du foyer découle « l’amour du travail »

Tous les dimanches, le 1 vous propose un extrait d’un essai récent ou à paraître. En cette Fête du travail, Histoire de l’intime, de Philippe Artières, nous montre comment, peu à peu, l’architecture s’est intéressée aux besoins des ouvriers. 

Premier Mai : de l’amour du foyer découle « l’amour du travail »

Avoir un chez-soi ? Longtemps, ce ne fut qu’un privilège de riches. Mais les ouvriers ont progressivement conquis le droit d’habiter dans un logement individuel et de profiter d’un espace privé auparavant réservé à la bourgeoisie – qui elle-même a accompagné ce mouvement, les industriels étant soucieux d’un meilleur rendement de leurs employés. 

En ce Premier Mai, Fête du travail, ce premier chapitre d’Histoire de l’intime de Philippe Artières, historien et directeur de recherche au CNRS, nous montre comment, peu à peu, les architectes comme Eugène Viollet-le-Duc se sont intéressés au logement des travailleurs – il considérait que de l’amour du foyer découle « l’amour du travail, de l’ordre et d’une sage économie ». 

 

Chez soi

 

Si les femmes et les hommes du passé se sont dès la préhistoire regroupés autour de foyers, si tout au long de notre ère, ils ont construit des habitats de plus en plus durables pour se protéger des intempéries climatiques et des dangers extérieurs, la naissance de l’espace privé est, contrairement à une idée reçue, un fait récent, fondateur dans l’histoire de l’intime, qui date du XVIIIe siècle. Vivre à une adresse stable, disposer d’un lit propre, d’une malle ou mieux d’une armoire, dans un lieu fermant à clé, ou tout au moins séparé de l’espace extérieur par une porte, se généralise en effet après la Révolution, avec l’essor du mode de vie bourgeois. L’événement peut paraître anodin, il est en réalité absolument déterminant dans le rapport que les individus en Occident entretiennent au monde et entre eux.

 

Sans domicile

Dès la période médiévale, la noblesse dispose de vastes logements, comprenant des salles de réception et des chambres. Ces espaces sont ouverts, et ne constituent pas des lieux strictement individuels ; domestiques et maîtres ne cohabitent pas, mais les domestiques entrent facilement dans les espaces réservés aux maîtres.

À la campagne, on habite à la ferme : le fermier et sa famille partagent un logement constitué d’une pièce unique dans laquelle ils dorment tous ensemble, tandis que les saisonniers sont logés jusqu’au milieu du XXe siècle dans un dortoir commun. On se succède à la ferme. La porte n’est jamais fermée à l’étranger, selon les lois de l’hospitalité. Dans les chambres, les lits (en tant que mobilier) évoluent mais constituent toujours un élément manifeste des changements de la distribution individuelle des espaces intérieurs. Leur grande variété au cours du temps témoigne de lentes mutations dans les pratiques : le plus remarquable est le développement du lit conjugal commun.

On subit majoritairement plus son logement qu’on n’en jouit

En ville, la séparation d’un dedans et d’un dehors, symbolisée par la porte d’entrée et son seuil, est moins marquée qu’à la campagne ; elle reproduit le modèle architectural de la ville et de ses remparts. On ferme les portes pour se protéger des envahisseurs, des épidémies et des pilleurs. Mais à l’intérieur des cités, derrière les murailles, l’espace urbain est ouvert : le logement est pour une grande majorité d

01 mai 2022
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