« Considération », par Corine Pelluchon
La philosophe politique revisite notre rapport aux êtres, humains et non-humains, et rappelle la nécessité de sortir du paradigme de la domination.
La considération, notion à laquelle j’ai consacré un ouvrage, Éthique de la considération (2018), est un mot souvent utilisé dans des formules de politesse, mais sa portée est bien plus grande. Venant de cum (avec) et sidus, sideris (constellation d’étoiles), elle suppose que je regarde un être avec attention, en lui accordant une valeur propre et en le situant dans un monde commun. À la différence du respect, qui s’adresse à la personne dans sa généralité, la considération individualise les êtres auxquels elle s’adresse et inclut les autres vivants.
Mais j’ai surtout insisté sur ce qu’exige cette capacité de faire de la place aux autres dans son existence, sans chercher à les dominer. Car l’éthique désigne toujours un art de la mesure, comme dans la sobriété, le courage, mais il est difficile de conserver cette mesure.
La considération est le contraire de la domination qui transforme tout en guerre