Quotidienne

Le Puy du Fou : « un passé dépassé »

Florian Besson, Historien

Pauline Ducret, Historienne

Guillaume Lancereau, Historien

Mathilde Larrère, Historienne

Tous les dimanches, le 1 publie les bonnes feuilles d’essais récents où à paraître. Aujourd’hui, la grande enquête de quatre historiens sur le Puy du Fou et sa mise en scène fantasmatique de l’histoire…

Le Puy du Fou : « un passé dépassé »

Des vikings aux poilus en passant par les gladiateurs romains et les révolutionnaires, c’est toute l’histoire de France qui est mise en scène au célèbre Puy du Fou imaginé par Philippe de Villiers. Quatre historiens – Florian Besson, Mathilde Larrère, Guillaume Lancereau et Pauline Ducret – se sont immergés pendant plusieurs mois dans le parc d’attractions et ont enquêté sur la manière dont il déforme, réécrit, voire réinvente le passé. Voici un extrait de leur travail intitulé Le Puy du faux.

 

« L’Histoire n’attend que vous ! »

Les immenses affiches qui, un peu partout dans le métro parisien ou les arrêts d’autobus en France, font la publicité du parc semblent promettre un vrai rendez-vous avec « l’histoire ». Mais de quelle histoire s’agit-il ? La question abordée dans ce chapitre ne consiste pas tant à savoir comment le Puy du Fou traite (ou maltraite) un thème, un événement, une époque en particulier, mais plutôt comment s’élabore son rapport au passé. Chaque époque porte un regard différent sur son passé, en lui assignant des valeurs et des usages précis. Ainsi, les auteurs de la Grèce antique se représentaient le passé comme un âge d’or révolu, tandis que les philosophes et les savants du XVIIIe siècle noircissaient les périodes antérieures pour mieux mettre en relief les progrès contemporains. Au Puy du Fou également, le passé a bel et bien une identité spécifique, qui se développe dans les replis et interstices de son propos explicite sur l’histoire.

Une histoire immobile

L’une des préoccupations principales des concepteurs du parc consiste à démontrer que le passé, même le plus lointain, n’a jamais tout à fait disparu. Comme l’annonce la devise du spectacle Le Dernier Panache : « Rien ne se perd jamais. » De la mise en récit à la mise en scène, tout est fait pour laisser planer l’idée d’une continuité intime et indissoluble entre les époques et d’une permanence d’un passé jamais dépassé. C’est sans doute dans la Cinéscénie que cette représentation se manifeste de la façon la plus éclatante, à travers un discours sur la continuité entre les générations. Le récit s’organise en effet autour d’un certain Jacques Maupillier, acteur méconnu des guerres de Vendée dont les tableaux successifs nous font rencontrer une série de descendants, tous porteurs du même nom au fil des siècles : comme le dit la voix off, « le même prénom gravé au couteau sur la table de famille, […] le doigt de la mère qui vient refermer les mêmes lèvres ». Rivée au territoire, voire au terroir, cette figure se mue ainsi en métonymie du paysan vendéen, présenté comme identique à lui-même en dépit du passage des siècles. Au cas où le propos manquerait encore de clarté, la voix du narrateur nous en fournit la clé dans les termes les plus explicites : l’histoire quâ

27 mars 2022
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