Quotidienne

« Greenwashing » : comment dépolluer le débat public ?

Aurélien Berlan, Chercheur

Guillaume Carbou, Chercheur

Laure Teulières, Chercheuse

Tous les dimanches, le 1 publie les bonnes feuilles d'essais récents où à paraître. Aujourd'hui, un ouvrage collectif pour nous aider à déjouer les pièges de la « communication verte », à retrouver le 25 mars aux éditions du Seuil.

« Greenwashing » : comment dépolluer le débat public ?

Verdissement de façade, récupération d’un discours environnementaliste vidé de sa substance, stratégies de communication rassurantes et innovations aux effets « écologiques » douteux… le « greenwashing » est aujourd'hui omniprésent. Dans ce « manuel d'autodéfense intellectuelle », 35 scientifiques et spécialistes proposent des clés pour déjouer les pièges de la  « communication verte ».

 

Les grosses ficelles de la « communication verte »

Dans son usage le plus fréquent, le terme greenwashing désigne toute forme de communication fallacieuse ou frauduleuse en ce qui concerne les performances écologiques d’un produit ou d’une entreprise – ce sont les deux niveaux couramment identifiés dans les recherches sur le sujet : product-level et firm-level. Depuis près de trois décennies, toutes sortes d’associations, de militants et d’intellectuels tentent d’en dévoiler les recettes. Sans entrer dans le détail, rappelons-en quelques-unes.

Il y a d’abord des moyens rhétoriques, comme l’emploi de termes flous évoquant l’écologie (eco-friendly, 100 % naturel, etc.), d’euphémismes permettant d’atténuer certaines réalités (produits phytosanitaires plutôt que pesticides) ou d’expressions consistant à associer une notion « écologique » à un terme ou une activité contestée (biocarburants, gaz naturel) quitte à créer de véritables oxymores (1) (développement durable, écologie industrielle, etc.). Le greenwashing peut aussi passer par des déclarations invérifiables ou de simples promesses permettant de remettre à plus tard les actions concrètes. En association étroite avec ces procédés discursifs, il y a des moyens plus subliminaux, comme des images ou des sons (décors naturels, chants d’oiseau, etc.) afin d’associer au produit ou à la firme l’idée de respect de la nature ou d’éco-compatibilité (McDonald’s qui repeint ses enseignes en vert…).

Le greenwashing consiste à ravaler la façade d’industries « sales » car polluantes, à couvrir de peinture verte leurs dégâts environnementaux

La communication ne passe pas seulement par du discours ou de l’image, mais aussi par des actions qui permettent d’attirer le regard sur ce que l’on veut montrer pour le détourner de ce que l’on veut masquer – cette captation de l’attention est au cœur de bien des formes de greenwashing. Un procédé très répandu consiste par exemple à mettre en avant un aspect ou une action écologique réelle mais mineure (on repense l’emballage d’un produit, alors que c’est le produit lui-même qui pose problème). Les entreprises peuvent également soutenir des causes environnementales, sponsoriser des associations ou des fondations écologistes – ces dernières servant alors de « couverture » ou de « paravent » pour verdir l’image des firmes sans qu’elles aient à revoir leurs pratiques.

En anglais, la notion incorpore un double ou triple jeu de mots que ne restitue pas sa traduction française par « éco-blanchiment », qui joue sur d’autres connotations. Il s’agit d’abord d’un décalque du mot whitewashing qui désigne au sens propre le blanchiment à la chaux (t

20 mars 2022
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