La construction de la smart city est un défi bien réel. Tant sur le plan technologique qu’éthique, il est nécessaire d’imaginer une ville qui utilise la donnée et les outils numériques de manière responsable et sécurisée, pour le citoyen et l’État. L’Internet des objets, les algorithmes avancés, les nouveaux systèmes de stockage de données ou encore l’arrivée massive de la 5G sont des catalyseurs et des accélérateurs du déploiement mondial de la ville intelligente – une ville optimisée par la technologie, où la démocratie est enfin participative grâce aux contributions des citoyens qui deviennent de véritables collaborateurs de la ville. Mais la concrétisation d’une telle vision implique cependant quelques menaces à prendre en compte.

Les outils connectés répartis dans la ville jouent un double rôle. Ils prennent le pouls de la ville en captant de l’information sur son fonctionnement, et ils fournissent des services aux citoyens. Plusieurs questions se posent alors : qui est en charge du développement et du fonctionnement de ces outils ? Quels sont les risques de piratage des données véhiculées ? La ville de New York, qui a mis à disposition gratuitement des bornes WiFi, a permis au plus de 20 % des habitants encore non connectés d’obtenir un accès à Internet, et donc d’éviter leur exclusion sociale et économique. Ces bornes sont gérées par une filiale de la compagnie privée Alphabet (société mère de Google), ce qui peut poser des problèmes en matière de protection des données personnelles des citoyens.

Parmi les données de la smart city, il y a celles qui n’impliquent aucun engagement du citoyen, telles que la température ou encore la densité du trafic routier, obtenues grâce à des capteurs dispersés dans la ville. Il y a également les données qui sont directement ou indirectement entrées par le citoyen, comme ses déclarations sur la présence de rats dans les rues, ou ses horaires de connexion à une borne WiFi de la ville. Dans ces deux cas, il existe des risques concrets de biais, autant dans la collecte de la donnée que dans le traitement qui en résulte. Concernant les données enregistrées directement par les citoyens, on a remarqué à New York City que les populations défavorisées s’engageaient moins, principalement en raison d’un manque de confiance en l’État pour les aider. Cette collecte biaisée risque alors de discriminer encore davantage ces citoyens déjà mis à l’écart. Une vigilance doit également être portée sur les outils de prédiction, notamment ceux utilisés par la police. Ces outils suggèrent aux policiers les quartiers où patrouiller à partir de l’analyse des lieux des crimes déclarés dans le passé. Sans esprit critique sur le traitement de ces données, on risque de reproduire un biais : les patrouilles ont historiquement tendance à privilégier certains endroits et à en délaisser d’autres.

Une initiative ingénieuse est à l’origine de plateformes d’open data destinées au dépôt et/ou à la collecte de données sur la ville. Cela permet, entre autres, de tirer parti des contributions de chercheurs, d’ingénieurs, de sociologues ou de simples citoyens. En analysant ces données, on peut identifier des dysfonctionnements, comprendre les habitants ou encore combattre les disparités. Cela contribue également à « débiaiser » la smart city, en élargissant la collecte et l’analyse des données. Là encore, une attention particulière sera portée au risque de piratage de ces données ou de déconstruction par corrélation de leur anonymisation supposée.

Les menaces de biais dans la collecte et l’analyse des data sont un facteur de division des citoyens, alors que la smart city a comme mission de donner les mêmes chances à tout le monde en offrant une meilleure répartition des services de la ville, ainsi qu’une meilleure compréhension de ses problèmes pour mieux les résoudre. La smart city a un bel avenir devant elle, mais il faudra – forcément ! – y mettre de l’intelligence. 

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