La marque jaune
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Le calendrier est formel et immuable. C’est la rentrée. Rentrée des classes sinon de la lutte des classes. Rentrée des élèves, des profs, des parents, de ceux qui travaillent, des syndicats, des gouvernants aussi, qui ont à peine cessé de gouverner pour montrer que leur charge comptait plus que leur repos. Mais est-ce la rentrée des Gilets jaunes, ou ont-ils raccroché leur habit de lumière – terni par tant de divisions et de violences – comme un boxeur raccrocherait ses gants ?
Si la période estivale a vu s’estomper la colère sociale née à l’automne dernier sur fond de hausse des carburants et de sentiment exacerbé d’abandon d’une frange de la population, les analyses rassemblées dans ce numéro montrent que le feu continue de couver sous la braise. « Les raisons d’apparition du mouvement ne vont pas disparaître », affirme ainsi le sociologue Pierre Veltz – qui bat en brèche, au passage, la vision simpliste d’une fracture territoriale entre villes, supposées forcément riches, et périphéries, forcément pauvres. « Quand ce genre d’action s’arrête, dit-il, on a l’impression que la tempête est calmée. En réalité elle continue de bouillonner avec un cran supplémentaire franchi dans le ressentiment. » Même observation chez l’économiste Daniel Cohen, pour qui rien ne sera réglé, au fond, sans « un travail de resocialisation » pour combattre la solitude d’une partie de ces populations qui ont enfilé le gilet jaune. Ce sentiment d’exclusion est d’autant plus vif qu’il relève parfois d’une grande subjectivité. À l’instar des températures, il y aurait en France les inégalités « ressenties », plus grandes que les inégalités réelles.
Difficile de prévoir l’avenir de cette marque jaune qui a oblitéré nos samedis depuis novembre 2018. Il est clair en revanche qu’elle a laissé des traces dans le pays, et pas seulement dans les esprits ou sur les ronds-points. « Le plus remarquable, observe le politologue Brice Teinturier, est de voir combien rarement un mouvement social aura eu autant d’effets politiques profonds et sans doute durables sur la conduite des affaires publiques. » Sans doute aura-t-il fallu cette longue crise pour que Jupiter-Macron descende de l’Olympe et renoue avec ses promesses électorales de conduire la politique autrement, de manière horizontale, en consultant le peuple plutôt qu’en lui imposant ses choix au nom de la raison – la raison du plus fort. S’il s’agit d’un acte II de son mandat, ce ne sera pas la moindre victoire des Gilets jaunes.
« Il n’existe pas d’opposition binaire entre les métropoles et les périphéries »
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