Il existe sans conteste une relation bien particulière entre la France et l’Afrique subsaharienne, en particulier l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale. Mais au-delà des dimensions politiques, militaires et surtout culturelles, force est de constater que la France a vu son influence économique décliner au fil des décennies. Les vieilles sociétés de comptoirs qui avaient maillé l’Afrique de leurs réseaux ont disparu (SCOA) ou ont été rachetées (CFAO par Toyota). Le champ minier a été laissé à l’appétit de chercheurs d’or canadiens et sud-africains, et surtout des mineurs chinois. Dans le domaine agricole, les acteurs les plus dynamiques ont bien souvent leur siège en Suisse ou à Singapour. Les banques françaises ont plus que d’autres acteurs perdu leur culture africaine. Dans le domaine du BTP, de nouveaux acteurs turcs et chinois sont à la manœuvre. Moins d’entreprises en France placent l’Afrique au cœur de leur stratégie de développement : cela reste le cas en ce qui concerne l’énergie (le projet gazier de Total au Mozambique – pour l’instant en suspens – est le plus important investissement privé en Afrique), les transports et la logistique, les services urbains, l’agroalimentaire et les télécommunications.

L’Afrique subsaharienne représente pourtant pour la France un intérêt économique majeur. L’Afrique est déjà – et sera encore plus demain – un géant démographique dont commence à émerger, comme en Chine et en Inde, une classe moyenne conservant avec notre pays, par le biais de la langue, des liens culturels étroits. En dehors de l’énergie, l’Afrique détient aussi des matières premières essentielles pour l’indépendance industrielle de l’Europe, métaux (uranium, cobalt), matières premières agricoles (caoutchouc, coton, bois), sans oublier le cacao.

La France souffre de la montée en puissance de pays dont les entreprises, souvent appuyées par leur diplomatie, ont ciblé l’Afrique : c’est le cas de la Chine, dont on connaît l’appétit pour les matières premières (avec une position désormais dominante en République démocratique du Congo, en Afrique centrale et de l’Est), mais aussi du Maroc et de la Turquie. Le cœur de la présence économique française, la zone franc, est en outre loin d’afficher les meilleures perspectives africaines, qui se situent bien plus en Afrique de l’Est, de l’Éthiopie au Rwanda.

Au total, la France qui dispose encore du troisième stock d’investissements directs à l’étranger (IDE) sur le continent – un stock plus diversifié que celui de ses rivaux, car moins porté par l’énergie et les mines – n’a plus qu’une part de marché de 5 %, réduite de moitié en quelques années. Notre pays a pourtant offert à une partie de l’Afrique l’immense cadeau de la stabilité monétaire. Certains ont pu hurler au néocolonialisme ou proposer de débaptiser le « franc CFA », finalement supprimé en mai 2020. L’existence d’une monnaie commune aurait dû être une opportunité, mais les pays concernés n’ont pas su la saisir.

Dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement supérieur enfin, le rayonnement de la France a trouvé ses limites, les élites africaines préférant les établissements nord-américains plus accessibles, malgré leur coût, qu’un système français trop sélectif pour certains (grandes écoles), trop laxiste pour d’autres. Une université d’excellence comme Paris-Dauphine a de moins en moins d’étudiants africains. À l’inverse, l’Afrique continue à fasciner nombre de jeunes Français. Là est peut-être le plus important : maintenir au sein des entreprises françaises une expertise africaine doublée d’une véritable passion pour ce continent. 

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