Du temps a passé depuis que le 2 février 2013 à Tombouctou, après que les troupes françaises de l’opération Serval eurent repoussé les groupes armés djihadistes de plusieurs villes du Nord malien, le président François Hollande avait fait cet aveu public un rien grandiloquent : « Je viens sans doute de vivre la journée la plus importante de ma vie politique. » À travers ses mots et sa gestuelle solennelle, l’ancien chef de l’État avait joué cette scène si souvent interprétée par nombre de ses prédécesseurs, à commencer par le général de Gaulle, pour faire revivre le rituel de ce que feu l’ancien président ivoirien Félix Houphouët-Boigny avait nommé, dans un néologisme promis au succès, la « Françafrique ». Une relation postcoloniale faite d’intérêts économiques et militaires bien compris, avec une assistance qui pouvait friser l’ingérence de la part de l’ancienne puissance coloniale dans les pays dits « du champ », afin de conserver la stabilité de la zone francophone et de garantir à la France, outre des voix à l’ONU, des matières premières vitales : l’uranium du Niger, et surtout le pétrole du Gabon qui, après la « perte » de l’Algérie en 1962, devint une source privilégiée de notre approvisionnement énergétique. Avec pour contrepartie un appui sans faille au président Omar Bongo, y compris pour forcer sa réélection comme en 1993.

C’est un autre air que fit entendre Emmanuel Macron le 28 novembre 2017 à Ouagadougou, au Burkina Faso, quand il rappela, avec toute la liberté de la jeunesse, n’avoir jamais connu l’Afrique comme un continent colonisé. « Il n’y a plus de politique africaine de la France », asséna-t-il. Le président français allait un peu vite en besogne. S’il pouvait espérer refonder les bases d’une aide au développement sur des critères plus exigeants d’efficacité, « et plus en phase avec les réalités du terrain », ce sont précisément ces réalités qui aujourd’hui encore, huit ans après les propos triomphants de François Hollande à Tombouctou, limitent la marge de manœuvre de l’Élysée. En dépensant près d’un milliard d’euros chaque année pour l’opération Barkhane qui vise à détruire les groupes djihadistes au Sahel, la France est pleinement engagée dans l’intervention militaire la plus importante à l’étranger depuis la guerre d’Algérie. Avec des résultats mitigés. Pas morte la Françafrique. Mais enlisée dans les sables du Sahel. 

Vous avez aimé ? Partagez-le !