En envahissant l’Ukraine, Vladimir Poutine a provoqué la naissance d’une opinion publique européenne soudée. C’est pour lui un revers cruel, à l’égal de l’enlisement durant les premières semaines du conflit de ses colonnes de blindés sur la route qui conduit à Kiev. À ce stade, l’armée russe a perdu un quart de ses chars et plus de 7 000 soldats. En face, la résistance impressionnante des Ukrainiens s’est organisée et tente de contenir la puissance d’une des premières armées du monde. À leur côté, les Européens sont passés de la sidération à l’action.

Il s’agit d’un moment rare : un élan de solidarité s’est spontanément formé, que ce numéro du 1 décrit et analyse. Une aide humanitaire, qu’elle soit le fait de grandes ONG, de municipalités ou d’initiatives individuelles, s’est très vite déployée. Des millions de femmes et d’enfants, fuyant les combats, sont accueillis à bras ouverts par les pays frontaliers. L’Union européenne, la Grande-Bretagne et les États-Unis ont pris des sanctions économiques sans précédent dont l’économiste Daniel Cohen explique, dans l’entretien qu’il nous a accordé, qu’elles signent la ruine de Poutine. Enfin, sur le plan militaire, Washington, l’Otan et l’Union ne restent pas inertes, entre prudence et audace. Du matériel sophistiqué, des moyens techniques de communication et de renseignement sont acheminés ou transmis aux Ukrainiens. Dans son analyse pour le 1, la spécialiste en relations internationales Alexandra de Hoop Scheffer suggère que davantage soit fait, mais note que beaucoup est entrepris.

Le camp occidental est peut-être en train de faire la démonstration que l’on peut conduire une guerre sans la faire.

La guerre ? Étonnante symétrie : il est interdit de prononcer ce mot à Moscou (on préfère l’expression d’« opération militaire spéciale ») et à Bruxelles (Bruno Le Maire a dû revenir sur la déclaration dans laquelle il assurait que la France et l’Union européenne allaient « livrer une guerre économique et financière totale à la Russie »). C’est pourtant bien d’une double guerre qu’il s’agit. Guerre économique d’un côté, « sale guerre » de l’autre avec ses bombardements de civils, ses frappes sur une maternité, un hôpital ou un théâtre. En quelques semaines, le bilan humain et matériel est effroyable. Mais la petite Ukraine résiste encore à la grande Russie. Elle ne plie pas. À cette heure, rien n’est écrit sinon que Moscou a raté sa guerre éclair. Chaque puissance et chacun d’entre nous peut encore se demander : que faire ? 

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