CACHÉ sous une fausse identité, Félicien Kabuga, le « financier du génocide rwandais », a été arrêté en France le 16 mai 2020. Parmi les méfaits qui lui sont reprochés figure l’« importation d’un nombre impressionnant de machettes » un an avant les effroyables massacres de Tutsi. Kabuga présidait, entre autres, la sinistre radio des Mille Collines, surnommée « Radio Machette ».

Plus encore que le four crématoire, associé à l’horreur de la Shoah, ce coutelas à lame épaisse nous paraît indissociable du drame rwandais. On a frémi en lisant les récits de corps affreusement mutilés. Et l’idée d’un « génocide à la machette » s’est installée. Or, une diversité d’armes avait été utilisée par les militaires, les miliciens et la multitude de « petits bourreaux » incités à tuer leurs voisins tutsi, parfois même leurs propres parents. Ce génocide n’aurait pas fait des centaines de milliers de morts en moins de six semaines s’il n’avait été commis qu’avec des outils rudimentaires : c’est au fusil-mitrailleur et à la grenade que la population d’un village, réfugiée dans l’église, était d’abord attaquée ; machettes, serpes, piques ou gourdins cloutés servaient généralement à achever les blessés.

L’image tenace d’un « génocide à la machette » a eu pour effet d’entretenir en Occident le fantasme d’une sauvagerie africaine et de réduire cet effroyable massacre à une fureur populaire nourrie de tribalisme. De quoi faire oublier le rôle des autorités politiques. L’arme principale du crime était dans les paroles de haine et les appels au meurtre, diffusés par « Radio Machette » entre deux morceaux de musique entraînante ou deux blagues « tellement rigolotes qu’elles faisaient même rire les victimes ». 

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