Il y a un an, certains imaginaient Vladimir Poutine atteint de démence ou d’une maladie incurable et la Russie proche de l’effondrement. Un an plus tard, l’armée russe a bloqué la deuxième contre-offensive ukrainienne et le maître du Kremlin a raffermi ses positions. Son trône a tangué en juin, mais il a réussi à réduire en cendres l’insurrection de Prigojine et il continue de faire emprisonner à tout va les opposants à l’invasion de l’Ukraine.

Les guerres sont des précipités d’émotions extrêmes et contradictoires, qui plus est à l’heure de l’information hypersonique. À cet égard, le deuxième anniversaire de l’invasion de l’Ukraine marque un tournant. L’opération de propagande lancée par Vladimir Poutine via l’ancien journaliste trumpiste Tucker Carlson – interview dont nous publions en deuxième feuille des extraits commentés – et les déclarations de Donald Trump mettant en cause l’unité du camp occidental ont suscité une avalanche de réactions. Et la mort d’Alexeï Navalny, l’un des principaux opposants au pouvoir russe, dans une colonie pénitentiaire sibérienne, sonne comme un rappel glaçant du véritable visage du régime poutinien.

En deux ans, les pays occidentaux ont pris des sanctions qui n’ont pas abattu la Russie, promis à l’Ukraine du matériel militaire livré sans empressement. La seule Union européenne a tout de même accordé une aide financière supérieure à l’ensemble du plan Marshall (1947-1951). Pendant ce temps, le reste du monde a compté les points sans regretter l’embarras occidental. Ironie du calendrier : la Russie préside cette année le groupe élargi des Brics, ces puissances alternatives du « Sud global ». Poutine peut-il l’emporter, et dans quelles proportions ? Au-delà des gains territoriaux, quelle menace politique fait-il peser sur l’espace européen ? Dans un grand entretien, le géopolitologue Dominique Moïsi pondère le pessimisme ambiant : « Rien ne permet de dire que la Russie a gagné d’avance. » Les signes du durcissement continu en Russie, le décès de Navalny comme la disqualification du seul candidat antiguerre à la présidentielle trahissent une fébrilité grandissante dans les cercles du pouvoir russe. Deux entretiens passionnants nous brossent les portraits contrastés des pays belligérants. La sociologue Anna Colin Lebedev lève le voile sur une société russe, « boîte noire fissurée de partout », ses stratégies d’évitement de la mobilisation et de la répression. La politiste Alexandra Goujon raconte l’usure et les tensions en Ukraine, mais aussi la formidable vitalité d’une nation qui se bat pour exister. Et si, contre toute attente, une démocratie, même imparfaite se révélait un atout sinon pour gagner la guerre, du moins pour ne pas la perdre ? 

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