Quelque chose d’immaculé, de pur, d’élevé dans tous les sens du terme, tel est l’Himalaya de nos rêves, avec ses deux grands symboles : le Tibet, symbole spirituel, et l’Everest, symbole sportif. Il n’y a pas de honte à rêver, sinon que vaudrait la vie ? Mais dans notre xxie siècle désormais adulte, il est important de rêver « en pleine conscience ». Avoir conscience des enjeux écologiques, humains et politiques qui sont ceux de ces très hautes terres d’Asie permet de ne pas partir – ou rêver de partir – en aveugle ou en étourdi. C’est tout l’objet de ce numéro du 1.

L’obsession des alpinistes attirés par les « plus de 8 000 » remonte à un bon siècle. Chaque nation européenne s’attachera à un sommet himalayen : pour les Britanniques, c’est l’Everest ; pour les Allemands, poussés par Hitler, le Nanga Parbat ; pour les Français, l’Annapurna. À la surenchère nationaliste et sportive succédera, à partir des années 1990, la surenchère touristique. C’est cette course que raconte le journaliste et écrivain de montagne Charlie Buffet. 

Mais cette année, l’ascension de l’Everest a mêlé le tragique et le ridicule. Le gouvernement népalais tire des millions de dollars de la vente des permis, et il en délivre beaucoup trop : une file d’attente s’est formée au sommet, entraînant la mort par accident ou épuisement de onze alpinistes en avril-mai. Un montagnard chevronné estime que 80 % de ces gens n’auraient pas dû être là. Sur les photos, le haut de l’Everest ressemble à n’importe quel sommet, sauf qu’il se trouve à l’altitude de croisière d’un avion de ligne…

En ce soixantième  anniversaire de l’annexion du Tibet par la Chine – la « campagne de réforme démocratique », comme on dit à Pékin –, on ne parlait que d’ouverture et de tourisme au Forum sur le développement du Tibet organisé à Lhassa le 14 juin. Mais dans son message au forum, le président Xi Jinping utilisait des termes singulièrement défensifs : le Tibet est « un bouclier de sécurité écologique important, une région cruciale pour la protection de la culture unique de la nation chinoise ». Les Américains ont décidé de chatouiller la Chine sur ce sujet aussi. Fin 2018, le Congrès a voté une loi, le Reciprocal Access to Tibet Act, exigeant un accès aussi libre au Tibet qu’aux autres régions de Chine pour les diplomates, les journalistes et les touristes américains. Sous peine d’interdire aux responsables chinois l’accès au sol américain.

Népal, Tibet : deux exemples, et plusieurs réponses possibles à la question : « Y aller ou pas ? » 

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