ENTRE le bruit et le silence, il n’y a pas photo. C’en est même troublant. La langue française déborde d’imagination pour offrir des synonymes au premier, alors qu’elle est quasiment muette à propos du second.

Que de mots en effet pour dire le bruit ! Du plus feutré au plus violent, du plus mélodieux au plus crispant, du plus familier au plus insolite, on passe par toutes les rimes : clapotis, gargouillis, bourdonnement, vrombissement, tintamarre, chambard, ramdam, tam-tam, chahut, raffut, tohu-bohu…

Face à ce concert, le silence fait figure de parent pauvre. On lui cherche en vain des synonymes, et on finit par se rabattre sur quelques mots voisins : calme, paix ou tranquillité.

Le silence ne serait-il que l’absence de bruit ? Un vide ? Rien, en somme ? Plusieurs expressions incitent à le croire. Garder le silence, c’est se taire. S’interrompre au milieu d’une phrase, en raison d’une hésitation ou d’une émotion, laisse comme un blanc, et un ange passe. Être silencieux signifie ne pas exprimer une opinion, ne pas divulguer un secret, ne pas accepter de répondre. Il existe ainsi chez les mafieux une loi du silence, l’omerta. Si le droit compte une lacune, un creux, on dénonce le silence de la loi. Rien que du négatif. Et que reproche-t-on à des dirigeants politiques ou à des intellectuels qui font l’autruche et refusent de prendre leurs responsabilités ? Un silence assourdissant.

Non, pas de vrais synonymes, et pour cause : le silence est une perle précieuse, donc rare – un trésor, à condition d’être choisi et non subi. Il appartient aux gens aisés, en mesure de vivre à l’abri du tapage, et surtout aux sages, dépouillés du superflu et centrés sur l’essentiel. Seuls ceux-là ont le privilège de l’entendre. 

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