Même ton ordinateur est une ruine hantée, puisque ton
Sang laisse quelque chose derrière lui, chauffant
L’outil dans ta main.

De très loin, par les milliards de corridors
Des semi-conducteurs, les tuyaux
Militaires gémissent à leurs jointures.

Ça aussi sent le corps, les polymères
Chauffés sentent le lait maternel
Et la sueur de l’inquiétude.

Fredon de tant de cycles du courant, voltage
Du passé. Chantez, câbles. Sentez, mains. Yeux,
Regardez et formez

Jambes et ventres des lettres :
Bec et œil du A. Serpentin sifflant
S des ancêtres, griffes pointues

Du E et de l’arrache-clou
Que tu as acheté hier, sa tête
Au goût d’huile légère, le jus

Des morts en lutte – le manche
De cendre, bien que vernis d’uréthane, est
Poli par les sels du corps.

Tire, pied-de-biche, maintiens, hampe. Face d’acier,
Frappe et soulage-moi. Voix
De l’artisan enfermé dans le pleur

Baryton de la scie qui travaille.
Errant, et qui languit comme les âmes mortes de
Wilno, revenant. Machine-âme.

Traduction inédite de L.C.

On peut être poète et créer un jeu vidéo. Comme Robert Pinsky, auteur en 1984 de Mindwheel. L’écrivain américain a comparé l’écriture en vers à la programmation. Ou comment forger des sens multiples en peu de signes. De quoi faire des livres et des ordinateurs le prolongement vivant de nos corps mortels. 

 

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