Le prix du réfugié est politique
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L’Union européenne a 13 983 kilomètres de frontières avec le reste du monde. Les États-Unis en ont 12 034, l’Inde 14 103. Nous sommes ainsi entrés dans la cour des grands possesseurs de frontières ! Mais le budget prévisionnel de Frontex pour l’année 2015 s’élevait seulement à 114 millions d’euros pour, à la fois, coordonner la sécurité des frontières et tenter de venir en aide aux réfugiés et migrants. Le budget au kilomètre est donc assez ridicule, 8 152 euros par an, à peine le salaire d’un douanier à tiers temps.
Mais la question est-elle vraiment là ? Une frontière est d’abord un lieu, une limite, une guérite, un uniforme, une émotion lorsqu’on la franchit, une sécurité aussi souvent. Et pour certains, un eldorado. À titre personnel, j’adore les postes--frontières sans douaniers où la barrière éternellement levée semble un marqueur obsolète.
Dans le débat sur la question de la frontière, qu’est-ce qui est légitime, tolérable, civilisé, humain même ? Pourquoi cet enfant mort sur une plage ? Pourquoi cette mère en pleurs avec son enfant, filmés en gros plan à travers un grillage infranchissable ? Quel est son crime ? Et en même temps, au milieu de la tempête écologique, culturelle, technologique et économique qui emporte le monde et le fracture, comment ne pas entendre aussi la peur du salarié modeste, du retraité, du chômeur devant l’arrivée de personnes prêtes à tout pour survivre – des personnes jeunes, souvent diplômées, endurcies par la fuite éperdue qui les a portées ? Et sur cette terre devenue carcérale, rétrécie par la densité des médias et des relais, pour qui dresser des frontières et devant qui les fermer ?
On le voit, le problème qui nous est posé n’est pas financier, il est moral et politique. Allons-nous perdre une part de notre humanité afin de prévenir la panique que la venue des migrants pourrait inspirer aux plus fragiles d’entre nous ? Et comment faire autrement ? Comment inventer un art de faire humanité quand nous vivons tous dans la même bulle climatique et médiatique, mais que les uns sont dans le poste et que les autres regardent ? Si on ne sait pas penser, organiser et aimer cet humanisme réaffirmé, il faudra ou débrancher le poste ou regarder les violences croître. À en pleurer.
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